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ment physiologique, c’est le plaisir de l’acte sexuel ; le spasme musculaire déterminant la perception d’une sensation intense, passagère, ayant une durée et une période notables, et pouvant vraisemblablement être comparée à la sensation produite par le tranchant d’un couteau qui traverse la peau. Seulement la perception est toute différente : dans un cas elle est agréable, dans l’autre elle est pénible. Si on voulait, ce qui serait souvent fort dangereux, introduire ici le langage mathématique, on dirait que c’est la même valeur, mais avec un signe différent, positive dans un cas, négative dans l’autre. Mais tous les plaisirs, autres que le plaisir aigu qui accompagne l’acte sexuel, sont trop loin d’une vraie douleur, pour pouvoir lui être comparés avec profit : ils répondent plutôt à un sentiment de gêne, d’ennui, de besoin qu’à une douleur véritable, et il y a tout avantage à négliger, pour le moment au moins, l’étude du plaisir, et à étudier seulement la douleur dont les symptômes sont si caractéristiques et dont les causes immédiates sont plus faciles à reconnaître.

I

Des signes de la douleur.

La douleur, étant un phénomène purement central, peut exister, même assez intense, sans se manifester par aucun signe extérieur et par conséquent il est impossible de la doser.

Tous les physiologistes savent que, quand on fait une vivisection, il y a une diversité absolue entre la manière dont les animaux semblent souffrir. Les uns restent immobiles, l’œil fixe, sans s’agiter, sans se plaindre, et paraissent comme frappés de stupeur. Les autres, au contraire, gémissent, hurlent, et s’agitent avec frénésie. De même, alors que le chloroforme ne venait pas supprimer la douleur des opérations chirurgicales, il y avait des malades restant muets et immobiles, d’autres pleurant et se débattant : or dans tous ces cas qu’elle est la vraie mesure de la douleur ?

Pour nous ceci est et ne pourra jamais être qu’une hypothèse. Nous ne croyons pas tant aux différences de courage qu’aux différences de sensibilité : et nous nous appuyons sur le fait suivant.

Si on prend des grenouilles, en hiver, alors même qu’elles semblent assez vivaces pour résister énergiquement et chercher à fuir, une fois que l’expérience est commencée, elles ne remuent presque plus, immobiles sur la planchette où on les a fixées, sans crier