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peut être soumise aux règles inflexibles d’une causalité véritable. Où trouver un principe d’unité qui soit, pour l’activité consciente de la pensée, ce qu’est le principe de la conservation de l’énergie pour l’activité physiologique du cerveau, et qui permette de ramener à des lois les états variables de la conscience, comme on fait les modifications mécaniques de la matière cérébrale ?

« Tout le contenu de la conscience peut descendre du plus haut degré au zéro de l’énergie mentale, tandis que, par rapport aux fonctions correspondantes du cerveau, la loi de la conservation de l’énergie garde invariablement toute sa valeur. Où est donc la possibilité d’une exactitude, même approximative, pour la psychologie de l’association ? »

La psychologie de l’association ne peut donner que des probabilités empiriques, puisqu’elle manque d’un principe de mesure. Et, en somme, on voit que Lange incline à la ramener à la physiologie cérébrale, à la physiologie des réflexes ; qu’il n’accorde, en un mot, une valeur rigoureuse qu’à la méthode somatique en psychologie.


En résumé, la méthode scientifique pour Lange, c’est la méthode même des sciences physiques : la déduction et l’induction mathématiques, et la seconde à titre de méthode provisoire, comme l’avait enseigné avant lui Leibniz. On ne peut souhaiter une conception plus arrêtée et en même temps plus conforme aux exigences de la méthode des sciences positives. Mais Lange ne se préoccupe pas moins de protéger les principes du mécanisme scientifique contre les fautes des savants eux-mêmes, que de les défendre contre les partisans de la finalité et des hypothèses à priori, ou de l’observation par le sens intime. C’est pour cela que, dans cette critique approfondie des diverses sciences qui remplit le second volume, les savants ne sont pas jugés avec moins d’indépendance et critiqués avec plus de ménagements que leurs adversaires.

Si Lange reproche à Liebig de prétendre que la science ne doit pas admettre trop facilement des périodes illimitées pour la réalisation de ses hypothèses, il ne blâme pas moins Lyell de soutenir l’éternité du monde actuel. Le naturaliste, selon lui, s’engage, à ce sujet, sur un terrain qui n’est pas le sien. Ce sont des questions qui relèvent de la philosophie.

Liebig manque également du sens critique, aussi nécessaire au savant qu’au philosophe, lorsqu’il soutient que la chimie ne réussira pas à fabriquer de toutes pièces dans ses laboratoires le moindre organisme, même le plus élémentaire, parce que l’expérience n’a