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nolen.le mécanisme de lange

pas encore montré que cela soit possible. Mais n’affirmait-on pas aussi, il y a quelques années à peine, que les matières organiques n’étaient pas réalisables artificiellement : et l’on sait ce que la synthèse chimique a fait de cette assertion.

Avec quelle ferme raison Lange expose et discute les hypothèses récemment émises sur la cessation de la chaleur et de l’organisation dans notre système planétaire, sur la possibilité d’une renaissance indéfinie de la vie dans des mondes différents du nôtre ! Bien qu’il incline, pour son propre compte, à l’idée kantienne du renouvellement sans fin de l’activité créatrice, il nous recommande, et sait pratiquer lui-même, une haute et sereine résignation à l’ignorance, sur tous les problèmes dont une saine critique nous interdit la solution, momentanément ou pour jamais. Il n’admet pas plus la foi sentimentale du matérialiste Czolbe dans l’éternité du monde, que les illusions naïves de la croyance populaire sur le commencement et sur la fin des choses.

Il n’excelle pas moins, dans la question de la génération spontanée, à faire la part de l’expérience et celle de la raison. La seconde ne peut pas ne pas affirmer, au nom du principe de causalité, ce que la première n’a point encore réussi à constater et ce qu’elle est peut-être impuissante à découvrir jamais, soit à cause des conditions de l’existence actuelle, soit par le fait de la grossièreté de nos organes.

Lange est surtout intéressant à entendre sur les questions tant controversées de l’antiquité et de la descendance simienne de l’homme. On apprend, par son exemple, comment le vrai philosophe se tient à égale distance du respect superstitieux ou intéressé pour la tradition d’un Wagner, et de l’incrédulité paradoxale d’un Büchner. « Quant à l’âge que l’on doit assigner aux restes d’hommes fossiles (découverts dans les cavernes d’Engis et d’Engihoul et dans la vallée de la Somme, plus récemment à Cro-Magnon, à Aurillac, à Hohlenfels), les opinions sont tellement variables et tellement divergentes, que l’on en peut déduire uniquement la grande incertitude de tous les modes de calculs essayés jusqu’à ce jour. Il y a une dizaine d’années, on admettait assez généralement des périodes de cent mille ans. Aujourd’hui une forte réaction s’est opérée contre ces hypothèses, bien que les matériaux concernant l’homme des temps diluviens se soient considérablement accrus, et qu’on ait même découvert des traces de l’existence du genre humain à l’époque tertiaire. » Dans l’examen de cette question, comme dans celle de la descendance de l’homme, il faut s’affranchir des préjugés religieux ou politiques, non moins que de l’orgueil et de la passion. « Nous trouverons alors que provenir d’un corps animal déjà parvenu