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REVUE PHILOSOPHIQUE

ment le sujet. Mais il semble bien qu’il n’y ait pas là une différence capitale qui interdise de citer cet exemple à l’appui de noire opinion. Il en est résulté chez cette personne une croyance profondément enracinée, d’après laquelle l’esprit de son père resterait présent près d’elle, présence réconfortante dans laquelle elle a puisé l’énergie morale nécessaire à supporter l’épreuve terrible de son isolement. Et la chose est d’autant plus remarquable qu’elle n’a point de convictions religieuses qui l’aient préparée à celte croyance.

C’est d’une façon analogue que pourrait s’expliquer la croyance à la préexistence, sinon celle de Pythagore et des anciens, au sujet de laquelle je ne veux hasarder aucune hypothèse, du moins celle qui, chez, les modernes, a revêtu la forme d’une vague impression, d’une sorte de souvenir à demi inconscient, celle que Walter Scott a décrite dans l' Histoire de la démonologie et de la sorcellerie et qui imprègne tant de belles pages dans l’œuvre de P. Loti ainsi qu’un curieux livre d’H. de Régnier, Le Passé vivant Cela s’explique, à mon avis, tout naturellement de la manière suivante. Il nous arrive parfois d’éprouver à la vue d’un être, d’un tableau, d’un paysage, une impression intense de bien connu, quoiqu’il nous soit impossible de trouver dans notre mémoire la moindre trace d’une perception première qui nous l’aurait fait connaître pendant notre existence actuelle. On en peut trouver la raison dans le fait que nous avons déjà vu la même chose ou une chose très semblable dans une circonstance dont le souvenir s’est perdu, par suite de quoi il nous est impossible de la localiser dans le temps. L’amour du merveilleux fait le reste. Il n’est nullement nécessaire pour expliquer de pareils cas, d’invoquer la singulière hypothèse de L. Wigan, d’après laquelle la première impression eût été perçue par un hémisphère tandis que l’autre était occupé à d’autres spéculations, en sorte que lorsqu’une seconde impression viendrait plus tard frapper le second hémisphère, celui-ci la percevrait comme une impression première à laquelle s’ajouterait une vague notion de déjà-vu qui n’arriverait pas à se préciser. Bien plus énergiquement faut-il rejeter l’idée admise implicitement ou explicitement par plusieurs, en particulier par Mme de Manacéïne, d’après laquelle les états psychiques pourraient se transmettre de génération en génération,