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grâce à la continuité du plasma germinatif. La longue étude qui a été faite relativement à la transmissibilité des caractères acquis a montré que ce qui pouvait se transmettre, c’était une conformité de structure et de constitution chimique, mais nullement une acquisition nouvelle d’un caractère matériel ou psychique. Si pareille transmission était possible, il y a longtemps que l’enfant saurait parler de naissance ou au moins parlerait de lui-même séparé de tout contact humain, à l’âge où se développent les circonvolutions cérébrales en rapport avec le langage, tout comme, ainsi que l’a montré L. Boutan, le gibbon, séparé dès sa naissance de ses forêts ancestrales et élevé dans un appartement de Paris, fait entendre à l’époque de la puberté un chant extrêmement particulier, manifestation réflexe de l’excitation sexuelle qui se produit en lui sous l’influence du développement des glandes génitales. Dans un ordre d’idées quelque peu différent, il semble bien aussi que l’on puisse attribuer au rêve une part au moins dans la croyance aux incubes et aux succubes et aux scènes du Sabbat. Ces croyances ont eu sur la vie réelle de l’homme éveillé une influence extrêmement grande qu’il n’est pas utile de faire toucher du doigt. Mais il serait abusif d’attribuer leurs effets matériels au rêve en s’appuyant sur ce qu’il se trouve à l’origine lointaine et oubliée de ces diverses croyances. Il n’en est peut-être pas de même pour certains cas plus particuliers.

Ce à quoi je fais allusion en ce moment est le vampirisme, pour lequel nous devons à un auteur qui n’est pas un psychologue de métier, mais un romancier à l’esprit très pénétrant, Ch. Nodier, une étude qui mérite d’être analysée ici.

Dans sa note sur le Vampirisme, qui fait suite à Smarra, Nodier émet une idée qui paraît fort intéressante au point de vue de la pathologie mentale et, dans une certaine mesure, de la responsabilité judiciaire. Pour lui, le vampirisme a deux facteurs : le cauchemar, qui présente à l’esprit la scène d’anthropophagie, et le somnambulisme, qui la fait passer du rêve dans les actes. Il s’agit ici, bien entendu, non de ce vampirisme d’outre-tombe (dont déjà Voltaire avait montré qu’il n’est qu’une grossière superstition) consistant en ce que des morts sortiraient de leur tombe pour sucer les vivants, mais de celui dont Nodier affirme l’existence chez les Morlaques et les Esclavons, où le vampire (vukodlack) est