Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/180

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notre but est plus circonscrit ; il s’agit de donner un sens à la phrase grecque que nous avons reproduite, et de déterminer, d’après elle, un nombre particulier. Nous garderons seulement, en thèse générale, cette notion que le nombre inconnu devait représenter, pour Platon, une période en proportion avec la vie humaine et exerçant une influence marquée sur la génération.

Nous ne fatiguerons pas non plus le lecteur par l’exposé des diverses conjectures émises par les nombreux commentateurs qui, depuis la Renaissance, ont tenté la solution du problème[1]. Tous ces essais ont échoué devant l’impossibilité de donner aux termes mathématiques employés par Platon, un sens qui pût satisfaire aux hypothèses mises en avant. Mais la plupart de ces hypothèses ont été conçues d’après des éléments étrangers au texte même, et que nous devons passer rapidement en revue pour savoir ce qu’on en peut tirer réellement. Nous voulons parler des témoignages de l’antiquité au sujet des diverses périodes que l’on a pu considérer alors comme réglant les choses de la terre. Dans d’autres passages de Platon lui-même, chez d’autres auteurs à consulter, on retrouve aussi quelques vagues échos des chants de ces Muses sérieuses et mathématiciennes, qui redisaient dans les jardins d’Hékadèmos les « énigmes logistiques » des sages de Sicile et d’Italie. Il faut tout d’abord discerner ceux de ces échos qui peuvent nous indiquer le chemin de la vérité et ceux qui ne feraient que nous égarer.

III. Si par θείῳ γεννητῷ, on entend le monde divinement engendré, Platon fait évidemment allusion, dans le commencement de la phrase obscure, à un dogme pythagoricien fameux, à la période cosmique dite « la grande année. »

Lorsque les huit mobiles (les sept planètes et la sphère des fixes) ont repris chacun par rapport à la terre et par conséquent aussi par rapport à chacun des sept autres, leur situation originelle, une grande année s’est écoulée.

Nous n’avons pas à examiner ici les différentes valeurs[2] que l’on a prétendues, dans l’antiquité, devoir être assignées à cette grande année ; nous devons nous borner à l’opinion de Platon lui-même, suffisamment exprimée sur cette période dans le Timée.

Il y croit fermement ; il la définit avec précision ; il lui attribue

  1. On trouvera sur ce sujet, dans la traduction de Cousin, une note très-longue, sinon complète.
  2. Remarquons toutefois qu’on ne peut s’appuyer sur aucun témoignage précis pour attribuer aux Pythagoriciens, comme M. J. Hunziker (Platon, éd. Didot, vol. III), le nombre de dix mille ans, ni pour qualifier ce nombre de parfait (τέλειος).