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sine ira et studio, où les œuvres de ce grand penseur développeront seulement leurs résultats féconds.

« En honnête chercheur de la vérité » Frauenstaedt ne dissimule pas : « qu’il revient maintenant à la philosophie de Schopenhauer mais tout à fait différent de ce qu’il était en 1854 quand il publia ses premières lettres sur ce philosophe. « Ce changement de vue provient en partie des écrits postérieurs, des lettres et des manuscrits posthumes de Schopenhauer ; d’autre part, il est l’œuvre du temps et une conséquence des événements qui se sont produits dans la littérature philosophique. » Nous entendons par là non-seulement les écrits qui se rapportent soit à l’ensemble de la philosophie de Schopenhauer, soit à quelques-unes de ses parties, mais encore les nouveaux systèmes qui prétendent à en être une continuation ou un perfectionnement, tels que la Philosophie de l’inconscient par Hartmann, ou des systèmes qui, comme la théorie du développement de Darwin, semblent renverser les doctrines fondamentales de la philosophie de Schopenhauer. » Si la théorie darwinienne du développement est en opposition avec le système de Schopenhauer sur un point, seulement, à savoir sur la doctrine de l’éternité des idées et sur la durée infinie des espèces, la philosophie de l’inconscient touche partout plus ou moins à la philosophie de Schopenhauer et à la critique de Frauenstaedt.

Mon essai de transformation que Frauenstaedt regarde comme « une détérioration » se distingue déjà extérieurement du sien sous deux rapports. En premier lieu, il traite Schopenhauer avec une vénération personnelle, moi, avec l’impartialité de l’historien, c’est-à-dire il cherche comme tous les disciples à présenter les modifications (quand c’est possible), comme des interprétations destinées à mettre en lumière la véritable opinion du maître ; tandis que moi, n’ayant aucune prétention au titre de Schopenhauerien, je n’éprouve nullement le besoin de voir ce philosophe sous le jour où je serais heureux qu’il apparût pour l’époque actuelle, mais je tiens à le montrer tel qu’il se présente à nous comme phénomène historique d’une génération précédente. En second lieu Frauenstaedt prétend que le système de Schopenhauer est le seul conforme à la vérité et convenant au temps présent, et persiste à se tenir, comme son maître, à l’écart de tous les autres travaux philosophiques postérieurs à Kant. Moi, au contraire, je pense qu’il faut aujourd’hui ou rejeter tout le développement philosophique allemand remontant au-delà de la période de la culture intellectuelle ou l’admettre en totalité avec ses résultats essentiels. Il n’est plus permis de respecter une branche de cet arbre et non les autres. La division des partis dans le public confirme ma