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g. h. lewes. — spiritualisme et matérialisme.

qui la rend morte pour nous, quand nous savons que tout ce que nous pouvons en connaître est un des différents modes de Sentir. Toutes les connaissances que nous en avons sont des connaissances de nos propres affections. Les inductions par lesquelles nous les considérons comme Non-Moi, ne sont que les représentations hypothétiques des modes de sentir possibles qui produisent en nous le Non-Moi, par suite de changements de rapports que nous pouvons concevoir. Après avoir classé nos expériences et nos inductions sous les titres généraux de Matière et de Mouvement, après avoir aussi formé des conceptions d’objets et de forces, nous essayons de ramener les modes non classés sous des rubriques semblables et d’expliquer ainsi la production de quelques changements donnés d’États de Conscience par la combinaison d’autres modes connus et inférés. Par exemple, nous disons que le changement nommé Couleur est l’effet d’une rencontre de vibrations spécifiques, d’un milieu et d’un nerf terminal spécifique, rencontre suivie d’une excitation spécifique dans un centre nerveux. Sous un point de vue, ce processus est d’un bout à l’autre un processus matériel — c’est-à-dire objectif. Mais sous un autre aspect c’est également un processus mental ou subjectif. Idéalement, et pour notre commodité, nous dissocions le point de vue objectif du point de vue subjectif, mais quand nous supposons qu’il y a une séparation réelle qui correspond à cette distinction idéale, nous retombons dans le mystère qui consiste à savoir comment un processus matériel peut devenir un processus mental, comment des vibrations peuvent devenir des sensations.

Le mystère est une illusion. Il n’existe aucune transformation de cette nature. Ce que l’on appelle le processus matériel est simplement l’aspect objectif du processus mental subjectif. Examinons les termes matériels « vibration », « milieu externe », « choc », « terminaison nerveuse », « centre nerveux » et « excitation. » Tous peuvent être traduits en termes d’états de conscience ; et c’est par là seulement qu’ils ont une signification : chaque chose sensible ayant une sensation correspondante. Dépouillez les termes objectifs de toute leur valeur subjective et vous les laisserez comme un x. Mais quand nous disons que la Matière ne peut être séparée de l’Esprit, nous n’abandonnons pas notre croyance en la Réalité qui est en dehors de nous ; nous affirmons seulement que les perceptions et les conceptions que la philosophie emploie comme matériaux dans la construction de ses théories, sont, sous un aspect, matériels, c’est-à-dire objectifs, et sous un autre mentaux, c’est-à-dire subjectifs ; et que l’affaire du philosophe est de systématiser les con-