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analyses. — jardine. Psychologie de la Connaissance.

reprises adressées nous-même. (Voyez Revue politique et littéraire 24 mai 1873, page 1129). Il montre comme nous, qu’il est contradictoire de ramener l’extension à une des formes de la durée, c’est-à-dire à une série de sensations musculaires se succédant dans la conscience. M. Jardine se sert également des mêmes arguments que nous pour combattre une doctrine de sir William Hamilton, reproduite par MM. Taine et Carpenter, d’après laquelle les sensations dont nous avons conscience seraient des touts complexes résultant de sensations élémentaires inconscientes ; il a raison de soutenir que des sensations inconscientes peuvent être les antécédents mais non les éléments constituants de sensations conscientes.

M. Jardine n’est point partout aussi heureux dans sa manière de combattre la psychologie anglaise contemporaine. Il dit bien que le pur phénoménalisme est insuffisant pour rendre compte des faits de l’univers et l’on s’attend à le voir rétablir la notion de substance. Mais il n’en est rien ; il prétend même que la psychologie n’a rien à faire avec la substance, de quelque manière qu’on veuille l’envisager. Ce qu’il oppose aux phénomènes, pour compléter l’explication des faits, ce sont les forces ; et par force, il entend à la fois autre chose que la substance et que le phénomène. Il n’admet pas que la force soit simplement la quantité de mouvement ou la quantité de phénoménalité. Il en fait une entité dans le sens de l’ancienne métaphysique des spiritualistes ou des matérialistes. En dehors des phénomènes lumineux, caloriques, électriques, la lumière, la chaleur, l’électricité sont à ses yeux des réalités non-phénoménales. Il en est de même de son explication de l’esprit ou plutôt de la conscience individuelle du moi dont il paraît expliquer l’unité et l’identité non par une substance, mais par un pouvoir permanent. Or le pouvoir comme la force ne sont, en somme, que des quantités, les quantités d’une sensation ou d’un mouvement ; on peut aussi les présenter comme la quantité de manifestation de la substance. Ce n’était pas la peine, selon nous, de rejeter la notion de substance pour la remplacer par des réalités objectives ou subjectives non-phénoménales qui ne seraient au fond que des substances sous un autre nom.

Dans le fond M. Jardine est un spiritualiste, et nous en trouvons surtout la preuve dans sa manière de considérer le rapport de l’esprit avec le corps, des phénomènes subjectifs avec les phénomènes objectifs, de la sensation avec le mouvement. Il ne veut pas de la doctrine qui présente ces deux phénomènes comme deux faces d’un seul et même fait. Selon lui, cette doctrine n’est qu’une hypothèse grossière, et il va jusqu’à traiter de visionnaires les philosophes comme Mill, Auguste Comte et Lewes qui, pour l’étude des phénomènes mentaux, accordent la prééminence à la physiologie. Quand on prononce un jugement aussi dur, on est tenu de l’appuyer sur quelques bonnes raisons. Mais M. Jardine se contente de dire que les faits mentaux étant connus directement par la conscience, tandis que les faits cérébraux sont connus indirectement par l’observation extérieure, cette différence dans la source des deux