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ANALYSES. — GIRAUD-TEULON. Les origines de la Famille.

dans les deux grandes races historiques, aussi haut qu’on peut remonter, on trouve déjà la parenté individuelle, et, par conséquent, la famille. Mais en revanche, certaines populations du groupe Tartare semblent, encore maintenant, singulièrement près de la promiscuité première. À Hawaï, l’individu est parent de toute la horde, et l’âge seul règle les parentés ; chacun appelle grands-pères et grand’mères tous les vieillards indistinctement ; pères et mères, tous ceux qui par l’âge pourraient être ses parents ; frères et sœurs tous ceux de sa génération, fils et filles, petits-fils et petites-filles, tous les jeunes gens selon leur âge et le sien. Ces cinq termes, pas un de plus, expriment tous les degrés de parenté connus. C’est ce qu’on appelle le système de la parenté par promotions. Il est curieux de remarquer en passant que c’est là précisément l’idéal rêvé par Platon dans sa République. Eh bien ! à moins de supposer, contre toute vraissemblance, qu’il y ait là seulement une pauvreté de langage, on ne peut guère souhaiter, à ce qu’il semble, une preuve plus évidente du communisme originel, un reste plus curieux de cet humble état de culture morale, où l’inceste inconscient était le fait universel.

On sait, du reste, que l’inceste ne fut pas tout d’abord ni toujours réprouvé chez tous les peuples historiques ; qu’il était, non-seulement permis, mais obligatoire en Égypte dans la famille royale ; qu’en Perse, en Arabie, ailleurs encore, il eut longtemps un caractère officiel, on pourrait même dire religieux.

Admettons donc que l’unité sociale, au point de départ, fut la horde informe, sans aucune organisation. Reste à savoir comment les premiers linéaments organiques apparurent dans ce chaos. On essaie de nous le faire entrevoir. Malheureusement la question est aussi difficile qu’intéressante ; et M. Giraud-Teulon est sans doute le premier à reconnaître l’insuffisance de nos conjectures sur ce point. — La tribu, nous dit-on, se forma, organisme élémentaire avec lequel l’arrangement commença à pénétrer dans le pêle-mêle des premières bandes humaines. « On appelle tribu un groupe de consanguins dont la parenté est exclusivement indiquée soit par la descendance de mâle en mâle soit par la descendance de femme en femme. La tribu ne comprend donc jamais simultanément la progéniture des deux lignes ; et les enfants y ont uniquement pour parents, soit les parents de leur père, soit les parents de leur mère. »

Mais comment la tribu se forma-t-elle ?

Nous doutons que l’auteur soit lui-même satisfait du chapitre qu’il consacre à ce problème. Il paraît l’avoir écrit surtout pour faire connaître les vues de M. Mac Lennan sur l’exogamie, mais il faut croire que ces vues manquent de netteté, car ce qu’on nous en dit ne jette qu’un jour très-douteux sur la question. Donc, c’est par l’exogamie, que M. Mac-Lennan explique la formation de la tribu : l’explication nous semble insuffisante ; mais il faut la connaître, ne fût-ce qu’à cause des faits qui l’ont suggérée. Il désigne sous ce nom d’exogamie une loi, ou plutôt une coutume universelle qui, à un certain moment, aurait « inter-