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circonstances extrinsèques et nullement à la composition intime des éléments fécondants. Quelque difficulté qu’il y ait à comprendre comment un corpuscule microscopique puisse être un véhicule aussi fidèle de caractères nombreux et délicats, il faut bien s’incliner devant le fait. Un ingénieux penseur de nos jours, M. Hering, professeur à l’Université de Prague, dans une remarquable conférence sur la Mémoire de la matière organisée, s’est servi d’une heureuse comparaison pour montrer d’une manière sensible comment un élément peut renfermer virtuellement les caractères généraux du tout. Un organisme, dit-il, t est comme une courbe définie dont les propriétés se retrouvent dans les plus petits fragments. C’est au point que, si nous pénétrons la forme d’une portion infiniment petite de cette courbe, nous pourrons en reconstruire l’ensemble. Tous les jours, des astronomes calculent l’orbite des planètes ou de leurs satellites, ou des comètes, par la connaissance qu’ils prennent d’une partie de cette orbite. Rien n’est plus évident. Un arc de cercle ou d’ellipse, si raccourci qu’il soit, ne peut appartenir qu’a ce cercle ou à cette ellipse, et, par suite, il suffit d’en déterminer la forme pour tracer la courbe entière d’où, il a été détaché. Ce que nous disons d’une courbe, nous pouvons le dire d’une surface, d’un solide. Dans deux gouttes d’eau, on ne parviendrait pas à trouver deux molécules semblables, deux molécules échangeables. Leibnitz avait exprimé la même pensée dans son principe de l’identité des indiscernables.

Pourtant qui prouve trop… on tait le reste. Certes les moindres parcelles d’un individu quelconque n’ont rien de commun avec les parcelles les plus indiscernablement semblables d’un autre individu, fût-il de la même espèce. Et cependant, d’un côté, les phénomènes de la nutrition nous offrent tous les jours le spectacle de l’absorption et de la transformation des individualités L’huître qu’avale le gourmet cesse à un certain moment d’être elle pour devenir lui. D’un autre côté, si chaque cellule d’un individu vivant est marquée au seau de cet individu, et si, à ce titre, on peut dire qu’elle en porte l’effigie, une cellule quelconque n’a pas la faculté d’engendrer un être semblable à celui d’où elle est tirée. Tout au plus a-t-elle la faculté, en cas de lésion, de régénérer les parties qui l’avoisinent. Quoiqu’il y ait en cela aussi un phénomène du même ordre que la génération, la distance, à première vue, est énorme. Mais non seulement le germe e.-t une émanation individualisée, non seulement il a reçu l’empreinte du cachet spécial à l’organisme qui le sécrète, il en est l’image réduite, intégrale et fidèle. De même, un arc de cercle ou d’ellipse, tout en ayant les caractères propres à ce cercle ou à cette ellipse, n’est pourtant pas en soi un cercle ou