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espinas. — le sens de la couleur

couleur, qui se nourrissent de mouches et sont suspendues au milieu des herbes.

Beaucoup de poissons portent d’éclatantes couleurs. Si ceux qui vivent aux dépens des zoophytes rentrent dans la loi proposée, il n’en est pas de même des autres, c’est-à-dire de l’immense majorité. Ceux qui vivent de proie mangent bien des aliments colorés ; mais leurs victimes, à leur tour, que mangent-elles ? Quelques débris informes qui traînent dans la vase grisé ou flottent dans la demi-transparence des eaux.

Les lézards brillamment ornés que cite M. Allen sont, dit-il, arboricoles, tandis que ceux à qui ces ornements font défaut habitent les rochers ou les plaines. On se demande ce que de pareilles explications laissent subsister de la théorie et si l’influence de l’environnement ne vient pas remplacer ici, dans les développements de l’auteur, l’influence par trop insuffisante du régime alimentaire coloré. C’est elle qu’il invoque aussi pour expliquer les brillantes couleurs de certains serpents. Admettons que le milieu formé par les arbres d’une haute forêt soit favorable à la production de la couleur chez ceux qui l’habitent ; on ne voit pas en quoi le tait confirme le système, car tous les arbres ne portent pas des fleurs ni des fruits éclatants. Même entre les tropiques, les fleurs sont, au témoignage de Wallace, relativement rares dans la forêt[1].

Nous arrivons aux oiseaux, principaux soutiens des idées de M. Allen. Les colibris, qui vivent sur les fleurs, les perroquets, qui se nourrissent de fruits, avec le grand nombre de leurs espèces à plumage miroitant ou bariolé, sont ses exemples de prédilection, et il faut reconnaître qu’ils ne sont pas les seuls où la c « incidence entre l’état des couleurs et le régime frugivore puisse être observée. Mais, en un grand nombre d’autres cas cette coïncidence fait défaut. Nous ne prétendons pas ici faire une étude complète de la question, mais nous pouvons citer, entre autres oiseaux peints de couleurs franches très éclatantes et ne se nourrissant pas de fruits, les brèves, aussi étonnantes que les perroquets, les couroucous (crépusculaires, chasseurs d’insectes ou mangeurs de graines), les todiers, le troupiale à épaulettes rouges les pies, le faisan, le paon, le pigeon migrateur, l’ibis rose, le spatule, le flamant, la huppe. Les colibris, comme les moucherolles rouges, capturent des insectes sur les fleurs ; ils ne sont donc pas dans le cas des oiseaux à nourriture brillante (bright food) ; leur goût pour la couleur devrait être attribué à une double association, la couleur leur rappelant les fleurs, et les fleurs leur rappelant les

  1. Tropical Nature, p. 61 et passim.