Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


PHILOSOPHES CONTEMPORAINS



M. VACHEROT.[1]


III


Nos connaissances ont une même origine, l’expérience ; un même objet, le monde. Il n’y a qu’une science, comme il n’y a qu’une réalité. La raison ne sort pas de l’univers, elle le comprend et elle l’embrasse ; la métaphysique n’est pas la révélation d’un monde surnaturel, elle est l’achèvement des sciences de la nature : par la théologie, elle dégage l’idéal qui vit obscurément dans les choses ; par la cosmologie, elle saisit tout ce qui est, dans l’unité de la vie universelle. Étudions d’abord la théologie. C’est une formule, vieille comme l’expérience humaine, que la perfection n’est pas de ce monde : l’homme s’en console en créant Dieu, en imaginant un être en qui se concentreraient réelles et vivantes toutes les perfections, idole faite de termes contradictoires, dont la forme incertaine se prête à tous les rêves du mysticisme. L’idéal n’est pas le réel ; il s’en dégage par l’analyse, comme la loi des phénomènes, comme le type des individus ; Dieu est l’idéal de l’esprit, il n’existe pas plus que le cercle sur lequel raisonnent les géomètres. Essayez de réaliser le parfait et de vous faire de cette réalité une idée intelligible, Dieu est telle ou telle perfection, il n’est plus la perfection ; par cela seul que vous le concevez d’après un type déterminé, vous lui enlevez toutes les qualités relatives aux autres types. « L’idée de Dieu est une couronne dont les fleurons sont les divers types de la vie universelle. Si un seul fait défaut, la couronne est détruite et Dieu a disparu. » Dieu, c’est l’idéal du réel, c’est un cadre préparé à l’expérience comme l’infini, c’est la forme nécessaire à la synthèse universelle des qualités, comme l’infini est la forme nécessaire à la synthèse universelle des quantités. Aussi, quand on a déduit de l’idée du parfait les attri-

  1. Voir le n° précédent de la Revue.