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v. brochard. — de la loi de similarité

que les mêmes idées se reproduisent dans une conscience, il ne s’ensuit pas logiquement qu’une pensée supposée indéterminée et sans initiative saura qu’elles sont les mêmes. La ressemblance des choses, ces choses fassent-elles des idées, ne s’imprime pas dans l’esprit comme une image dans un miroir ; la reproduction du semblable, si souvent répétée qu’elle soit, n’entraîne pas la conscience du semblable. Lors donc que l’esprit ajoute à une association d’idées l’aperception d’une ressemblance, il accomplit un progrès ; il monte un degré, il fait une œuvre originale, et se révèle à lui-même une de ses lois essentielles ; il prend conscience, en l’appliquant, d’une force qu’il ignorait et que pourtant il possédait, puisqu’il l’a appliquée. En un mot, pour parler le langage de Kant, la loi dont il s’agit est à priori. Elle s’applique, non pas certes en dehors de l’expérience, mais autrement que par la seule expérience. L’expérience fournit l’occasion, l’esprit la saisit ; l’expérience donne la matière ; l’esprit, la forme. C’est de lui-même, par sa vertu propre, qu’en présence de l’expérience il s’avise de découvrir ce qu’est une ressemblance, qu’il aperçoit, comme disait Platon, les idées du même et de l’autre.

Par suite, il est aisé de montrer la différence spécifique qui distingue l’intelligence humaine de l’intelligence animale. Tout ce qui est association d’idées, c’est-à-dire reproduction machinale du passé, qu’il s’agisse d’idées totales qui en rappellent d’autres ou d’idées partielles détachées d’un tout qui se rapprochent d’autres idées partielles et relient indirectement les deux touts, est à la portée de l’animal aussi bien que de l’homme. Tout au plus pourrait-on dire que, pour ces dernières associations, il y a de l’homme à l’animal une différence non de nature, mais de degré. Avoir les mêmes idées qu’il a déjà eues, et, les ayant, accomplir les mêmes actions qu’il a déjà accomplies et qui sont liées à ces idées, agir semblablement dans des circonstances semblables, comme s’il apercevait la ressemblance, voilà de quoi l’animal est capable, et qui explique les illusions qu’une observation superficielle se fait à son sujet. Mais prendre conscience de cette similitude, ne pas se borner à être semblable à soi-même, mais savoir qu’on l’est et l’être pour soi-même, penser la ressemblance indépendamment des semblables, voilà ce que l’animal n’a jamais fait, ce que du moins aucun exemple authentique n’autorise à admettre.

Enfin on retrouve la dualité de l’association proprement dite et des fonctions— de l’entendement dans la distinction que tout le monde fait entre le génie ou les dons naturels, et le travail ou la réflexion. Descartes avait déjà remarqué que ce qui met des différences entre