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analyses. — h. girard. La philosophie scientifique.

cision et de l’aridité, aux mathématiques pures, et il y repose tellement que, sans elles, l’homme le mieux doué au point de vue musical serait incapable d’écrire le morceau le plus vulgaire. » D’autre part, Descartes, en inventant la géométrie analytique, Leibnitz, en créant le calcul infinitésimal, Newton, Euler, les Bernoulli, Lagrange, Laplace, tous ont inventé, créé, tous ont fait œuvre d’art.

Quant au métier, il consiste dans l’art et la science rudimentaire. C’est le lot de l’immense majorité des hommes, « depuis les ouvriers dans les diverses branches de l’industrie jusqu’aux prétendus savants qui répètent machinalement des leçons apprises par cœur, jusqu’aux généraux qui se conduisent bien au feu lorsqu’on leur a dit ce qu’ils devaient y faire… »

D’après ces idées, la constitution de l’échelle scientifique est conçue suivant trois degrés : la science professionnelle, correspondant au métier ; la science classique, correspondant à l’enseignement général ; enfin la science spéciale, celle des savants. Celle-ci est en réalité professionnelle pour eux, tandis que c’est au second degré de l’échelle que se concentreront les grandes synthèses et que se donnera carrière la conception scientifique la plus philosophique et, partant, , la plus élevée.

M. Girard aborde en second lieu la détermination de l’objectif scientifique ; il importe de savoir en effet si la totalité de ce qui est objectif peut être réellement un objet de science, ou s’il n’y a pas une partie transcendante qui doit être laissée à une philosophie distincte de la scientifique.

L’idée subjective d’un objet extérieur est différenciée de cet objet non seulement par les erreurs qui proviennent de l’imperfection de nos sens, erreurs que les progrès de la science réduisent de plus en plus, mais encore par un autre élément, sur lequel ces progrès sont impuissants, et qui est ce qu’on nomme communément l’impression. C’est comme « un voile d’épaisseur très variable jeté par le sentiment sur l’objectif, parfois assez léger pour que nos regards puissent entièrement le percer, d’autres fois tellement épais que l’objectif qu’il recouvre disparaît complètement à nos yeux. Dans le premier cas, la science est possible ; dans le second, il est clair qu’elle ne l’est pas. »

La conscience la plus formelle de l’immutabilité d’un objectif n’empêche pas l’impression de se manifester. Le paysage sera vu tout autrement, si les dispositions du moral sont différentes. Dès que les passions (l’amour ou la haine par exemple) entrent en jeu, la perception de l’objectif devient déjà beaucoup moins distincte. Enfin, dans les questions d’art proprement dit, le voile est d’une opacité presque absolue. Là, l’objectif rentre dans le domaine de l’idée pure, dans le domaine du transcendant, qu’il faut donc retrancher de l’objectif total pour avoir l’objectif scientifique.

Une distinction absolue entre l’objectif transcendant et l’objectif scientifique n’est guère possible. Il n’y a pas de démarcation rigoureuse entre le monde de la vie consciente et le monde organique, pas