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analyses. — w. clifford. Lectures and Essays.

sans valeur auprès de ce qui restait à faire. Et sa fin a montré qu’aucun homme n’a moins craint la mort, comme aucun n’a plus aimé la vie. Il a pleinement réalisé cette grande parole de Spinoza, qui était souvent dans son esprit et sur ses lèvres : Homo liber de nulla re minus quam de morte cogitat. »

Il serait injuste de le juger uniquement d’après les œuvres qu’il a laissées. On ne peut demander à un homme d’avoir donné toute sa mesure à trente-trois ans. Il faut féliciter pourtant ses amis MM. Leslie Stephen et F. Pollock d’avoir précieusement recueilli ses écrits épars dans les revues anglaises ; ils ont réuni ainsi deux volumes intitulés Lectures and Essays[1], précédés d’une introduction émue à laquelle nous avons emprunté les courts renseignements biographiques que nous venons de donner. C’est là que nous trouvons un peu disséminés (c’est l’inconvénient des Essais) les éléments des doctrines métaphysiques et morales que nous allons résumer. »

II — W. Clifford est, nous l’avons dit, un disciple de M. Spencer, pour lequel il professe la plus vive admiration, « La théorie de M. Spencer, écrit-il en 1868, comparée aux idées qui l’ont précédée, est un progrès plus grand que la théorie de la gravitation par rapport aux conjectures de Hooke et aux calculs de Kepler. Trouvant seulement une vague notion du progrès de l’inférieur vers le supérieur, il a donné un sens précis au mot supérieur (higher), en définissant les procédés par lesquels s’effectue le progrès… En particulier, il a appliqué sa théorie à l’évolution de l’esprit, montrant la complète concordance entre les lois du développement mental et celles du développement de toutes les autres fonctions organiques.

Clifford admet donc la vérité des lois de l’évolution formulées dans les Premiers principes ; mais il n’entend pas, comme M. Spencer, la réalité à laquelle s’appliquent ces lois. La métaphysique de M. Spencer est négative : selon lui, nous ne savons pas ce que peuvent être les choses en elles-mêmes. « Nous ne pouvons penser la matière que dans les termes de l’esprit. Nous ne pouvons penser l’esprit que dans les termes de la matière. Quand nous avons poussé nos analyses de la première jusqu’à la dernière limite, nous sommes ramenés au second pour obtenir une réponse finale ; et, quand nous avons obtenu la réponse finale du second, nous sommes ramenés de nouveau à la première pour l’interprétation de cette réponse. Nous trouvons la valeur de x dans les termes d’y ; alors nous trouvons la valeur d’y dans les termes de x, et ainsi de suite nous pouvons continuer à jamais sans nous rapprocher de la solution… La nature de ce qui se manifeste sous l’une et l’autre de ces formes est évidemment insondable[2]. » Sur

  1. Les autres œuvres de Clifford sont : Des éléments de dynamique, dont la 1re  partie seulement (Cinématique) a paru ; et deux volumes intitulés, l’un Seeing and Thinking, et l’autre Mathematical Papers, qui sont sous presse.
  2. Spencer, Principes de psychologie, tome I, partie 272 (traduction de MM. Ribot et Espinas, page 682).