Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
75
analyses. — Herbert spencer. The Data of Ethics.

et l’on remarque entre la conduite des unes et des autres, d’après M. Spencer, une différence analogue à celles que nous avons constatées entre les sortes de conduite des divers genres d’animaux. Il n’est plus question, il est vrai, d’un progrès dans la conduite parallèle à un progrès dans les structures et les fonctions ; mais que l’on compare aux modes ordinaires de l’activité des sauvages les modes ordinaires de l’activité des hommes civilisés, ou les fins que se proposent les uns et les autres, et l’on verra quelle distance les sépare. Les hommes civilisés se nourrissent mieux, d’une façon plus variée et plus régulière ; leurs produits de toutes sortes sont infiniment mieux élaborés et appropriés aux besoins ; leurs maisons n’ont plus rien de commun avec les cabanes de feuillages. Faut-il parler de ces transactions commerciales à longue portée, de ces carrières préparées par de fortes études et remplies par des occupations si diverses, dont les sauvages n’ont même pas l’idée ? La prolongation de la vie, qui est la fin suprême, est la récompense de ce progrès.

On pourrait objecter, il est vrai, que la vie des hommes civilisés, et les plus civilisés, n’est pas toujours plus longue que celle des hommes les moins développés ; mais il ne faut pas mesurer la vie à sa longueur seulement ; il faut tenir compte delà quantité de vie, et l’on conviendra qu’une huître attachée au rocher, après avoir longtemps survécu à un poisson quelconque, aura cependant moins vécu.

Les actes qui composent la conduite ne se rapportent pas seulement à notre propre conservation ; un grand nombre d’entre eux ont pour fin la vie de l’espèce. Nous pouvons suivre à ce point de vue une évolution comparable à celle que nous avons observée déjà. M. Spencer recommence son examen de la série animale, depuis ces êtres chez lesquels on ne peut à proprement parler discerner une conduite, jusqu’à l’homme, qui se montre, ici comme dans le premier cas, très supérieur aux animaux. Les deux genres de conduite déjà distingués se développent donc simultanément.

Mais l’évolution de la conduite n’est pas complète. D’autres actes sont nécessaires et naissent des relations sociales ; ceux dont nous avons parlé ne peuvent être véritablement adaptés à leurs fins que si la guerre entre les races et les luttes entre les individus diminuent ou sont entièrement supprimées ; il faut que personne n’empêche les autres d’arriver à leurs fins, il faut que tous au contraire s’entr’aident ou indirectement par une coopération industrielle, ou directement par une assistance volontaire. Alors seulement la vie de chacun deviendra plus complète.

Or la vie, telle qu’elle a été définie dans les Premiers principes, dans les Principes de biologie, dans les Principes de psychologie, est « la combinaison définie de changements hétérogènes, à la fois simultanés et successifs, en correspondance avec des coexistences et des séquences externes, » ou, en d’autres termes, « l’adaptation continuelle des relations internes aux relations externes. » Plus cette combinaison,