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les principaux caractères de la parole extérieure, le rythme, la hauteur, l’intensité des sons, et même le timbre. « En résumé, la parole intérieure est comme une parole, et ma parole intérieure est comme ma parole. » Les différences de la parole intérieure et de l’autre consistent en ce que la première est plus faible et plus monotone, plus rapide aussi, plus personnelle, etc. Tous ces caractères se rapportent, pour M. Egger, à des images auditives ; pour lui, l’image auditive constitue seule la parole intérieure. « Quand nous ne parlons que des lèvres, le phénomène extérieur purement tactile est complété par l’image du son que nos oreilles n’entendent pas ; mais si tout phénomène extérieur, tout état fort a disparu, si nous nous bornons à imaginer notre parole, l’image sonore apparaît seule, l’image tactile est réduite à une ombre insaisissable à l’observation, sinon même à un néant absolu » (P. 76). L’auteur cite plus loin Bossuet, Rivarol, Bonald, qui ont parlé de la parole intérieure comme étant composée d’images auditives.

Chez moi, la parole intérieure est un composé d’images auditives et d’images de mouvement. Je remarque plus facilement les premières, et je les reconnais mieux ; de plus, comme j’aurai l’occasion de le prouver plus loin en discutant la théorie des images motrices, je puis me représenter un son, un mot, une phrase même, simplement par l’imagination auditive, sans qu’aucun élément moteur vienne se mêler au phénomène. Mais il me suffit pour le moment d’indiquer ce fait que, quand je pense à des mots, quand je réfléchis par exemple à un travail que je veux faire, les phrases arrivant à ma conscience sont reconnues et classées surtout et quelquefois exclusivement comme images auditives, bien que l’élément moteur n’y soit pas, je crois, souvent étranger. Ces images auditives ne ressemblent pas tout à fait à celles que décrit M. Egger. Les images auditives sont généralement chez moi très faibles, sans couleur, sans timbre, ou avec un timbre très faible, abstraites pour ainsi dire, psychiques, comme l’on eût dit jadis. Nous ne devons pas être surpris de constater d’une personne à une autre des différences très considérables dans l’imagination. On sait que M. Galton a trouvé des différences importantes chez diverses personnes au point de vue de la vision mentale, qui même n’existait pas à proprement parler chez quelques-unes ; nous aurons à revenir sur ce sujet à propos des substituts des images de la parole et de la fonction symbolique du langage intérieur, mais il ne s’agit encore que de la description du phénomène et de ses principaux éléments. On me demandera peut-être comment je reconnais pour une image sonore un phénomène aussi atténué, aussi faible que celui dont je viens de parler.