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DIETERICH. — d. f. strauss et l’idéalisme allemand

que ses souvenirs de sa carrière littéraire. Cependant tous ceux qui verront dans la Foi ancienne et la Foi nouvelle un résumé de longues et fortes méditations, présenté sous forme de confession, et qui voudront à leur tour en faire l’objet de sérieuses réflexions, pourront facilement, et sans qu’il soit besoin du témoignage d’un ami, reconnaître dans cet écrit, devenu une pierre d’achoppement, des tendances tout à fait idéalistes. Ceux qui ne veulent pas mettre en doute l’éducation philosophique de Strauss et la connaissance approfondie de la philosophie moderne dont il a fait preuve pendant les temps passés dans l’enseignement, n’auront pas de peine à découvrir, dans la monnaie divisionnaire, simple, légère et usée que nous offre la confession de Strauss, le métal précieux qui a été autrefois extrait du puits profond de l’idéalisme moderne.

L’état actuel de la science induit Strauss — c’est ce qu’il nous dit lui-même — à regarder le monde dans sa totalité comme un fait donné à l’origine, au delà duquel notre pensée ne peut pas remonter, et comme, dans ce monde, notre savoir ne peut pas franchir le domaine de l’expérience et ne peut que nous faire contempler le développement régulier de l’univers, tel qu’il est présenté par les sciences physiques et historiques, Strauss pense qu’il est opportun de nous pénétrer sérieusement de cette pensée que le temps d’une foi, reposant principalement sur des représentations d’un monde inaccessible aux sens et à l’expérience, est passé et que le moment d’agir est venu. En conséquence, il écarte la foi comme base de la morale, car il trouve que cette base est délabrée, mais il n’en veut pas moins soumettre les actions de l’homme à une loi morale et l’astreindre, par des motifs plus désintéressés, aux mêmes vertus qu’il vénérait autrefois. Le principal but de Strauss, quand il composa et publia son dernier écrit, était nettement le suivant : se rendre lui-même et rendre les autres clairement conscients de ce que nous possédons, si nous laissons l’Église de côté. Mais en nous exposant ce qui nous restera, après la destruction de l’ensemble des représentations suggéré par l’Église, en fait d’idées et d’opinions, d’impulsions et de consolations, il voulait en même temps appeler notre attention sur ce qui nous manque encore. Il s’est donc plutôt borné à nous indiquer où il faut poser les fondations qu’il n’a eu la prétention de nous fournir un édifice achevé. Il faut tout d’abord apprendre à chercher et à trouver des points d’appui solides pour notre conduite morale dans nos conceptions nouvelles du monde, qui n’admettent plus le monde supra-sensible de la foi comme partie intégrante, c’est-à-dire dans le fond de l’homme lui-même et non dans une prétendue révélation surnaturelle. C’est à cette recherche