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notes et discussions

SUR QUELQUES ILLUSIONS VISUELLES

Monsieur le Directeur,

J’ai l’honneur de vous soumettre quelques observations au sujet de l’intéressant article de M. Victor Egger sur quelques illusions visuelles (Revue de novembre 1885). Il me semble en effet que les conclusions de cet article ne sont pas déduites légitimement des faits constatés. Prenons, par exemple, l’expérience du verre (p. 488 et suiv.) ; j’en reproduis textuellement l’énoncé essentiel : « Je regarde fixement le demi-cercle ABC, qui me paraît en arrière (et qui y est), et je suppose qu’il est en avant ; au bout de quelques instants, comme si le cercle avait pivoté en un temps inappréciable autour de la ligne AC, le visum m’apparaît subitement tel que je le pense : le demi-cercle ABC est en avant ; le demi-cercle ADC a reculé et s’est placé en arrière. »

Cet énoncé appelle deux observations nécessaires à la clarté de ce qui va suivre : 1o On ne regarde pas fixement une courbe, mais seulement un point : le regard doit donc être dirigé vers le sommet B de l’ellipse. 2o La rotation ne s’effectue pas autour du diamètre AC, mais autour de la tangente en B, ainsi que l’indique exactement la figure relative au verre de lampe. Il y a en outre agrandissement du cercle apparent.

Ceci posé, il est aisé de montrer que les conditions de l’expérience ont pour effet de supprimer les éléments nécessaires à la perception du relief. Du moment qu’on regarde le point B, l’image de ce point se peint sur la tache jaune, l’œil s’accommode à sa distance, et, s’il y a vision binoculaire, les deux regards convergent vers lui : ce sont les conditions de la vision distincte et de la localisation exacte. Quant aux autres points du cercle, ils ne se trouvent exactement dans aucune de ces conditions : les images se forment sur des points de moindre sensibilité de la rétine, ces images sont un peu troubles, et la vision binoculaire se dédouble. Comme le trouble ainsi produit ne dépasse pas certaines limites, on peut encore situer le cercle sur un cône, mais on manque des éléments nécessaires à sa localisation précise, d’autant plus que le trouble résulte aussi bien de l’éloignement que du rapprochement au delà ou en deçà du point visé : c’est ainsi que, si l’on regarde dans une lorgnette qui n’est pas au point, on ne sait s’il faut l’allonger ou la raccourcir. De là vient le fait bien connu que le mouvement de l’œil est nécessaire à la perception du relief, et, en réalité, même dans le cas de la vision monoculaire, il détruit instantanément l’illusion ; ceci tient à ce que, l’œil se déplaçant, le cône ayant le centre optique du cristallin pour sommet et le cercle réel pour directrice ne coïncide plus avec celui qui aurait pour directrice le cercle tout à l’heure imaginé. L’illu-