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sensibilité, mouvement, intelligence, et toujours la modification d’une quelconque de ces fonctions a entraîné la modification concordante des deux autres.

« De cette étude plusieurs conclusions importantes nous paraissent découler.

« La première est la complète indépendance des pages du livre de cette vie d’hystérique. Chaque page correspond à un état de conscience nouveau, mais privé du lien ordinaire des états de conscience successifs, qui est la mémoire.

« Chacun a sa mémoire complète, psychique et organique, mais cette mémoire commence avec la page et finit avec elle. La feuille tournée, une personnalité nouvelle apparaît. L’unité et la continuité de la vie ne résident que dans les actes végétatifs seuls ininterrompus, tandis que des personnalités étrangères les unes des autres se succèdent sur ce même substratum organique.

« Le deuxième fait est la relation précise, constante et nécessaire qui lie étroitement les grandes fonctions du système nerveux de relation. Impossible de modifier la sensibilité sans entraîner la motricité et la conscience dans une modification concordante ! Impossible d’agir sur la fonction motrice, sans agir dans le même sens sur la sensibilité et la conscience. Impossible enfin de transporter la conscience, sans qu’elle soit suivie d’un déplacement parallèle de la sensibilité et de la motricité.

« C’est de la sorte que, par un quelconque des moyens indiqués, nous feuilletons à notre gré le livre de cette vie, et ce n’est pas un des faits les moins remarquables que de changer de fond en comble l’état psychique, le mens, par un des moyens purement physiques, un métal, un aimant.

« Dans cette étude des personnalités multiples et changeantes où le premier en France est entré M. Azam, où M. Camuset l’a suivi en observant le sujet lui-même, que longtemps après nous avons observé à notre tour, des circonstances heureuses nous ont permis de faire quelques pas plus avant.

« Nous n’en sommes plus à l’alternance de deux personnalités livrée au caprice de la maladie ; nous voilà en présence de toute une série d’états successifs et différents qu’à volonté nous évoquons du passé et faisons revivre sous nos yeux.

« Il nous est donc permis de présenter cette observation comme nouvelle et unique dans la science. »