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ANALYSES.h. romundt. Réforme de la philosophie.

ce paragraphe : « On ne peut donc répondre à la question : si la vie est ou non sans valeur, ou si elle est une affliction, en ce qui regarde l’individu, qu’après avoir considéré les diverses circonstances propres à chaque cas particulier ; mais, largement parlant et sans regarder aux exceptions inévitables, on peut déclarer que la vie est toujours de valeur pour les êtres obtus, et souvent sans valeur pour les êtres sensibles ; tandis qu’elle n’apparaît jamais autrement, à celui qui a pitié de toute l’humanité et sympathise avec tout ce qui existe, que comme une immense et terrible affliction. »

Oui, l’on peut penser cela et plusieurs le pensent. Nul cependant n’a permission d’attribuer à son sentiment personnel de la misère du monde une portée aussi générale ; et, la sentence fût-elle justifiée, la raison dernière des choses demeurerait interdite encore à la philosophie humaine. Le livre de M. Saltus est capable de ramener à une opinion plus juste et plus tranquille les adversaires ignorants ou immodérés d’une doctrine qui les incommode ; il ne persuadera point aux philosophes tant soit peu positifs qu’une théorie de l’inconscient on de la volonté aveugle puisse prétendre à plus de solidité que la théodicée ancienne et soit avec elle jamais autre chose que l’inquiète rêverie ou le mythe confiant de l’inconnu.

Lucien Arréat.

Dr Heinrich Romundt.Grundlegung zur Reform der Philosophie. Vereinfachte und erweiterte Darstellung von Immanuel Kants Kritik der reinen Vernunft (Fondement d’une réforme de la philosophie). Berlin, R. Stricker, 1885, vi-264 p., in-8o.

Un vice de l’œuvre de Kant a été d’ouvrir deux routes divergentes à l’esprit philosophique, suivant qu’on a vu plutôt en lui le critique du dogmatisme ancien ou un métaphysicien d’habitude infidèle à sa critique.

Tel se déclare disciple de Kant, qui place au premier rang son œuvre critique. Ainsi fait Otto Liebmann. Il réprouve la qualification d’apparences (Erscheinungen) attachée par Kant aux données de l’expérience tant interne qu’externe, parce que ce terme suppose quelque chose qui serait derrière, c’est-à-dire la fameuse « chose en soi », dont il convient, dit-il, de débarrasser la doctrine du maître comme d’une impureté. Cette chose en soi y est une goutte de sang étranger, de sang wolfien, qui en vicie toute la partie transcendante.

À ceux qui taxent d’ailleurs la religion de métaphysique vulgaire, Liebmann répond qu’elle est du moins une métaphysique qui s’impose, et une explication dernière reste toujours à trouver, pour le vrai kantien, de ce grand fait que l’humanité n’a jamais pu se dispenser de distinguer entre le bien et le mal. Toutefois la métaphysique chargée de fournir cette explication, si elle peut être construite logiquement, ne serait,