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LA SENSIBILITÉ ET LE MOUVEMENT


I.

La sensibilité et le mouvement sont deux modes de la vie que l’on ne conçoit guère l’un sans l’autre. « Partout où il y a mouvement, dit Claude Bernard (en parlant bien entendu des corps vivants), il y a sentiment. L’esprit peut sans doute, par abstraction, séparer les deux propriétés ; mais dans la réalité ils sont inséparables… Un phénomène de sentiment ne se manifestera jamais que par le mouvement[1] ».

En effet, sans être physiologiste, tout homme comprend aisément que pour jouir et souffrir il faut vivre : or la vie est un ensemble de mouvements qui tendent à entretenir, à renouveler, à faire agir au dehors, dans des relations de tous les instants, un ensemble harmonieux dont toutes les parties sont solidaires les unes des autres. Chacun comprend de même qu’à leur tour le plaisir et la douleur sollicitent en nous le mouvement, l’encouragent, le redoublent, l’exaspèrent, ou d’autres fois le calment, le découragent, l’épuisent et l’arrêtent, que le plus souvent ils l’avertissent, l’orientent et le guident. Qui ne sait aussi que le plaisir et la douleur s’expriment et se représentent par le mouvement, et que ces impressions réagissent ensuite sur la sensibilité pour l’entretenir, l’exalter, la divertir ou l’apaiser ?

Quand on sort de ces généralités et qu’on demande aux biologistes des renseignements « positifs » sur cet ensemble de questions, il faut traverser d’abord certaines obscurités. Les mots ne sont pas pris partout dans le même sens. Dès lors, comment s’éclairer si, en questionnant sur une chose, on obtient des réponses sur une autre ?

Tous les savants et tous les philosophes, par exemple, connaissent aujourd’hui cette définition que Claude Bernard, à plusieurs reprises, a donnée de la sensibilité. « C’est, dit-il[2], l’aptitude de l’être vivant

  1. Claude Bernard, Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux. 2 vol.  in-8o. B. Baillière, tom.  I, leçon ii.
  2. Particulièrement dans son étude sur la Sensibilité dans le règne animal et dans le règne végétal. — Voyez la Science expérimentale. 1 vol.  in-24, pag.  218 et suivantes. Voyez aussi les Leçons citées plus haut, tom.  I, leçon ii.