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JOLY.la sensibilité et le mouvement

cette dernière est celle dont le rétablissement est le plus précoce. »

Dans son Manuel de pathologie et de clinique infantiles, M. le Dr Descroizilles[1] nous décrit ainsi les symptômes divers et la marche de la paralysie des petits enfants. La motilité est atteinte la première. Presque en même temps se manifeste une certaine hyperesthésie, soit parce que la neurilité subsistante se réfugie en quelque sorte tout entière dans les nerfs sensibles, soit parce que la sensibilité est encore assez forte pour sentir l’effet douloureux des spasmes et des contractures. L’anesthésie succède bientôt : toutefois elle n’est jamais complète et elle n’est pas longue à disparaître : il est très fréquent que la peau recouvre sans grand délai sa sensibilité normale. Dans les myélites, dit de son côté le Dr Rendu[2], il faut que la lésion soit extrêmement étendue pour que la sensibilité soit atteinte ; mais, même dans les cas de lésions très profondes, la sensibilité, un instant obscurcie ou pervertie, tend vite à reparaître et à reprendre à peu près complètement son intégrité primitive. — Tels sont les faits. On les interprète de plusieurs manières.

Lorsqu’une fonction a été entravée par suite de quelque désordre anatomique, il faut sans doute que ces désordres se réparent pour que la fonction recommence. Mais il faut aussi que la fonction soit provoquée par différentes excitations qui la réveillent. Or la peau, qu’on le veuille ou non, reçoit des stimulations continuelles qui ravivent de proche en proche la sensibilité des tissus ; tandis que la reprise des mouvements exige au moins un commencement d’effort presque volontaire. On observe aussi que les impressions motrices se transmettent par des voies déterminées. Si ces voies sont interrompues sur un point quelconque de leur parcours, il s’ensuit une paralysie motrice très prononcée. Les impressions sensitives au contraire semblent cheminer à peu près indifféremment au travers de la substance grise. L’interruption de quelques tubes nerveux centripètes rend-elle la transmission ordinaire impossible, les impressions se frayent une autre route. Elles vont, par les cellules ganglionnaires liées entre elles, aboutir aux fibres restées saines ; et finalement l’impression est sentie au prix d’un léger retard et quelquefois aussi d’erreurs de localisation[3]. Bref, les suppléances paraissent plus faciles pour les organes de la sensibilité que pour les organes du mouvement.

Une autre raison, qui tient de près à celle-là, c’est que la motilité

  1. Médecin de l’hospice des Enfants-Malades. Voyez son très intéressant volume paru chez Delahaye en 1884 (V. pag.  512).
  2. Thèse citée, pag.  77.
  3. Voyez Rendu, endroit cité, et Charcot, Leçons…, tom.  I. pag.  116.