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JOLY.la sensibilité et le mouvement

modes de la vie dont nous nous occupons ont de spécial, de séparé, d’indépendant, il faut s’appliquer à mettre en lumière les rapports qui les unissent.

IV

Des deux facultés en question, la sensibilité et le mouvement, quelle est celle des deux qui est antérieure à l’autre et qui fait en quelque sorte le fond de notre vie ?

En présence de cette nouvelle question, ne peut-on invoquer, comme chose acquise, que tout plaisir et toute douleur sont essentiellement les modes d’une fonction s’accomplissant avec facilité ou avec peine, et que par conséquent tout phénomène de sensibilité suppose un mouvement antécédent ? Cela nous paraît d’abord évident pour les jouissances et les douleurs physiques qui, nul ne le contestera, sont les premières en date.

Toute fonction peut être considérée comme comprenant quatre phases successives : 1o la préparation à l’action, ou l’action naissante et ébauchée ; 2o l’action développée et en cours d’accomplissement ; 3o l’action aboutissant à un résultat, c’est-à-dire faisant perdre ou gagner quelque chose à la fonction et à son organe ; 4o le rayonnement de l’action produite et accomplie, allant de l’organe le plus immédiatement intéressé à tous ceux qui en sont solidaires, c’est-à-dire de proche en proche à l’organisme tout entier. L’imagination, cela va de soi, prolonge ce rayonnement, et la délicatesse du système nerveux peut encore en augmenter l’intensité.

Or, quels sont les plaisirs et les douleurs physiques (encore une fois il faut bien commencer par ceux-là) qui se rapportent à l’une ou à l’autre de ces phases ? Nous jouissons déjà si nous sentons en nous une réserve de force disponible nous paraissant suffire à l’action que nous nous proposons. Et pourquoi nous paraît-elle suffire ? Parce que nous l’avons déjà expérimentée ou tout simplement parce que nous la sentons qui s’agite et qui se remue avec une vivacité dont nous nous figurons aisément par avance le développement imminent. Nous jouissons ensuite quand notre action se développe avec facilité. Nous jouissons de la plénitude ou de la liberté, de l’accroissement de force ou du soulagement que nous a valu l’action menée à sa fin. Nous jouissons encore de l’entraînement qu’elle communique ou du repos qu’elle apporte aux parties les plus éloignées et les plus étrangères en apparence à celle qui a été la première émue et satisfaite.