Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
revue philosophique

Commençons par l’observation pure et simple. Avec son coup d’œil dirigé par un bon sens lumineux, Trousseau nous expose le fait bien vulgaire que voici[1]. On a rapporté récemment des expériences très ingénieuses qui ont commenté ce fait, pour ainsi dire, mais qui n’y ont rien ajouté de bien important, et on a eu le tort de ne point le citer. Prenez, dit Trousseau, une personne aussi intelligente que vous le voudrez, mais ignorante de la physiologie et de l’anatomie et demandez-lui où est le siège de la flexion et de l’extension des doigts. Elle le placera dans la main (où ces actions se terminent), jamais dans l’avant-bras (où elles commencent). Elle a donc une sensation du mouvement résultant de la contraction du muscle, mais non de la contraction elle-même qui est cause du mouvement. C’est là du moins ce qui se passe à l’état normal. La contraction des muscles peut être en effet sentie si cette contraction est excessive ou si le muscle est douloureux, par suite d’une extrême fatigue ou d’une contusion ; mais même alors, c’est bien une sensation afférente, résultat et non cause des efforts accomplis, des mouvements exécutés.

Trousseau complète cette observation par une petite expérience qui y touche de près. Si, dit-il, nous imprimons à la main, aux doigts et aux membres d’une personne saine une série de mouvements, elle apprécie à merveille l’étendue et la variété de ces mouvements.

    mais cette sensation est le résultat d’un mouvement. Le public savant a justement attaché à cette théorie le nom de William James, qui l’a soutenue avec beaucoup de vivacité et de profondeur (Voyez la Philosophie critique d’octobre-décembre 1880). Mais il faut citer avant lui : Vulpian (art. moelle du Dictronnaire Dechambre, notamment p. 472) ; Jaccoud (Des paraplégies et de l’ataxie du mouvement, 1 vol.  in-8o, Paris, 1864, voy. p. 591) ; Trousseau, art.  cité sur l’ataxie, p. 774 et suivantes (le volume du Dictionnaire a paru en 1865) ; Ch. Bastian (Le Cerveau et la Pensée, t.  II, p. 105 de l’édition française, F. Alcan) ; Ferrier (Les fonctions du cerveau, p. 80, 349, 350, 355 de l’édition française, F. Alcan). William James a résumé la plupart des observations présentées par ces auteurs et il en a ajouté un certain nombre qui lui sont personnelles. M. Delbœuf s’est rangé à cette opinion (V. Éléments de psychologie physique, théorie générale de la sensibilité, ch.  ii), ainsi que M. Th. Ribot (voy. la Revue philosophique d’octobre 1879) et M. Rabier (dans ses Leçons de philosophie, t.  I, liv. ii). Voyez enfin le récent article déjà cité de M. Gley (Revue philosophique de décembre 1885).

    4o Viennent enfin ceux qui s’appliquent à distinguer le sens physique de l’effort de la conscience psychologique de cet effort et du fiat qui la précède. Voyez Lasègue (Études médicales, t.  II, Anesthésie et ataxie hystérique, extrait des Archives générales de médecine de 1864). Tel semble être aussi le point de vue de Bernstein, de Ludwig, de Bernhardt ; et c’est une opinion à laquelle W. James lui-même fait sa part d’une manière très intéressante. Le travail spécial de M. Féré sur la sensation et le mouvement (dans la Revue philosophique d’octobre 1885) parait encore ouvrir de côté, comme nous le rappellerons tout à l’heure, une voie très féconde.

    On trouvera d’autres indications et une autre classification des doctrines dans une note étendue de Ch. Bastian à la fin de son second volume sur Le Cerveau et la Pensée.

  1. Art. cité.