sique peut accomplir des mouvements, exercer une pression, faire un effort efficace, quand il est guidé par la vue ou par le tact extérieur. Nous trouvons dans Lasègue[1] des faits du même ordre. Plusieurs de ses hystériques affectés d’anesthésie arrivaient à exécuter des mouvements fort compliqués, comme ceux qu’exigent la broderie, la couture, les ouvrages de femmes, mais à la condition de suivre attentivement des yeux leurs doigts et leur travail. Elles pouvaient se nouer les brides de leur bonnet sous le menton, mais en se plaçant devant un miroir ; autrement, non. Les plongeait-on dans l’obscurité, elles paraissaient ramenées subitement à un état de catalepsie complète et absolue. Au fur et à mesure qu’on mettait plus à la portée de leur vue ou de leur toucher les mouvements qu’on leur proposait, elles essayaient ces mouvements avec plus de confiance, et elles réussissaient à les effectuer. « L’une d’entre elles a les deux bras placés sous la couverture qu’on a eu soin de remonter jusqu’au cou : elle peut, guidée par les mouvements du drap, sortir les bras hors du lit. Il en est de même des jambes qu’elle remue sous la couverture, à la condition qu’elle voie l’édredon superposé s’agiter en raison de l’exercice qu’elle a la volonté d’accomplir le mouvement s’arrête dès que les yeux cessent de le diriger. »
Voulons-nous encore étendre et varier l’expérience (du moins cette expérience toute faite qu’étudie la clinique) ? Revenons à cette maladie si curieuse dont nous avons déjà parlé plus d’une fois, l’ataxie locomotrice progressive. Ici, le phénomène saillant n’est pas l’anesthésie ; c’est l’incoordination des mouvements. L’harmonie nécessaire entre les muscles antagonistes (extenseurs et fléchisseurs) est rompue ; l’association régulière des muscles qui d’habitude concourent à l’exécution d’un mouvement d’ensemble est également rendue difficile. Tels sont les deux symptômes essentiels de la maladie.
La première idée qui vint à l’esprit des premiers observateurs (nous avons déjà eu occasion de le dire en passant) fut que ces troubles du mouvement devaient tenir à des troubles antécédents de la sensibilité profonde ou musculaire, ou de la sensibilité cutanée. Duchenne de Boulogne qui a non seulement découvert, mais étudié très profondément cette maladie, le crut tout d’abord ; mais il changea promptement d’avis. Il ne tarda pas à constater que les troubles moteurs et les troubles sensitifs n’étaient pas toujours liés l’un à l’autre. Cette seconde opinion a été partagée depuis par Jaccoud, par Trousseau, par Grasset, par la plupart des hommes compétents, qui l’ont
- ↑ Mémoire cité.