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s’ajoute très souvent à l’excitation prête à devenir une impulsion motrice n’arrête pas nécessairement cette excitation, elle n’en supprime pas nécessairement la vertu ; mais ce n’est pas elle qui en est la cause ; ce n’est pas elle précisément qui provoque cette impulsion, et en s’y ajoutant elle risque beaucoup plutôt de la diminuer. L’excitation primitive est donc un phénomène qui peut donner lieu à des effets de deux ordres : d’un côté l’acte réflexe qui met surtout en jeu la moelle épinière ; d’un autre côté, la sensation avec conscience, source des représentations cérébrales, puis des mouvements pré-imaginés, et ainsi de suite. Ces deux ordres d’effets s’accordent le plus souvent, et ils concourent ensemble à assurer l’exécution harmonieuse des actions complexes de notre vie. Mais en sommeils restent distincts ; ils le sont même à ce point que l’excessif développement de l’un des deux peut arrêter celui de l’autre.

Reprenons ces différentes assertions et résumons brièvement les démonstrations qu’on en peut donner.

Dans l’état normal et dans l’état de veille, quand toutes nos fonctions marchent d’accord, il se passe en nous un nombre considérable d’actes réflexes que nous sentons ainsi l’éternuement, le clignement des yeux, le frissonnement subit de la peau sous l’action d’un jet d’eau froide ou d’eau chaude, et beaucoup d’autres. Il en est même qui ne peuvent régulièrement s’accomplir sans amener dans les organes qu’ils remuent les sensations les plus vives : il n’est pas besoin de parler plus amplement de la volupté. Mais la séparation est possible, et elle se réalise assez souvent. Elle est en quelque sorte normale dans un certain nombre de fonctions : les réflexes de la déglutition et de la digestion, par exemple, ceux qui assurent la tonicité des sphincters et les différentes phases de l’acte locomoteur ne sont habituellement pas sentis quand l’organisme est dans un état de santé satisfaisant. Dans le sommeil il est certain que la sensibilité s’émousse beaucoup, et cependant « le sommeil est par excellence la période de l’irritabilité réflexe[1] ». Claude Bernard nous dit qu’on peut observer des mouvements réflexes dans un certain nombre de circonstances où, soit à cause de la légèreté de l’excitation ou de l’affaiblissement des propriétés nerveuses, l’animal ne perçoit plus de douleur[2]. On a observé ainsi des hystériques chez qui le clignement par acte réflexe persistait, bien qu’on pût constater sûrement l’anesthésie de la sensibilité spéciale de la conjonctive[3]. Une

  1. Ferrier. Les fonctions du cerveau, édit. française, pag.  429.
  2. Leçons sur le système nerveux, t.  II, leçon xvi, page 549.
  3. Liégeois, Société de Biologie, 1859, pag.  209 et 261. Cf. Ch. Richet, Recherches expérimentales et cliniques sur la sensibilité, pag. 211.