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JOLY.la sensibilité et le mouvement

vement exécuté. L’individu se meut, puis il sent, puis il perfectionne ou non ses mouvements, selon l’expérience qu’il en a faite ; le tout avec une rapidité prodigieuse, mais qui ne peut nous faire illusion sur l’ordre véritable dans lequel se succèdent les deux phénomènes.

VII

Nous venons maintenant à l’acte réflexe et au pouvoir excitomoteur auquel on le rapporte. Quel est ici encore le rôle de la sensibilité, nous voulons dire de la sensibilité consciente, caractérisée par un degré quelconque, très faible ou très violent, de plaisir ou de douleur ?

Une idée très répandue et que favorise le vague ordinaire des définitions courantes, c’est que dans les actes réflexes il y a une sensation transformée ou réfléchie en un mouvement. S’il en était ainsi, la sensation précéderait bien le mouvement et le produirait : la vivacité du second phénomène serait toujours proportionnée à celle de l’autre. Il faudrait prendre au pied de la lettre et dans un sens tout condillacien la phrase de Claude Bernard que nous avons citée plus haut, et dans laquelle le grand physiologiste, on s’en souvient, disait que peut-être tout mouvement a pour point de départ un fait de sensibilité. Cette opinion vaut donc la peine qu’on l’examine de près et, disons-le tout de suite, qu’on la réfute.

Il est d’abord constant que les définitions réfléchies et étudiées des physiologistes ne confirment nullement cette idée banale qu’on se fait de l’acte réflexe. « Nous entendons par acte réflexe, dit Maudsley, l’activité des centres nerveux accomplie, autant que nous pouvons en juger, sans volonté ni conscience, mécaniquement[1]. » Ne nous arrêtons pas au mot « mécaniquement » ; réservons la question de savoir si le mécanisme vital n’est pas distinct du mécanisme des corps bruts. Retenons seulement que l’acte réflexe nous est donné ici comme s’accomplissant sans conscience, c’est-à-dire sans vraie sensibilité. Mathias Duval[2] dit plus brièvement et plus clairement encore : « Le phénomène réflexe est un mouvement qui succède à une impression non sentie. » Cela veut-il dire qu’il faut que l’impression ne soit pas sentie pour qu’il s’ensuive un acte réflexe ? Non. La sensation qui

  1. Maudsley, Physiologie de l’esprit, édit. française, p. 151.
  2. Dictionnaire Jaccoud, art. Nerfs, pag.  533.