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DELBŒUF.l’éducation et l’imitation dans le somnambulisme

être pas encore entreprise, je l’ai faite, et j’apporte aujourd’hui aux lecteurs le résultat de mes recherches.

Beaucoup d’hypnologues ont déjà émis l’idée que les habitudes des sujets leur sont inculquées par leurs hypnotiseurs et n’ont ainsi rien que d’artificiel. C’est aller trop loin. Certaines d’entre elles — les expériences faites avec les novices en font foi — ont une origine naturelle.

Sans doute il y a une action indéniable de l’hypnotiseur sur l’hypnotisé — tel maître, tel disciple. Mais les sujets eux-mêmes, le premier en date principalement, façonnent, si je puis ainsi parler, celui qui les manie, et lui commandent, à son insu, sa méthode et ses manœuvres. De sorte que, retournant le proverbe, on pourrait dire : tel disciple, tel maître. Cette action du premier disciple sur le maître se reporte alors, par son intermédiaire, sur les autres disciples qui adoptent ses allures, et ainsi se créent des écoles qui ont le monopole de phénomènes spéciaux.

Telle est la manière de voir que j’ai pris le parti de vérifier par l’expérience.

II

Ayant visité la Salpêtrière tout à la fin de l’année 1885 et ayant de visu observé les fameux trois états, objet principal de la controverse, j’avais une foi absolue dans leur réalité, et je me demandais s’ils ne se retrouveraient peut-être pas chez les hypnotisés de Nancy, mais sous une forme latente. Je me proposais en conséquence de me rendre dans cette ville pour recueillir des documents, lorsque les circonstances me mirent sur la voie que je viens d’indiquer et qui pourrait bien être celle de la vérité.

De retour à Liège, je m’étais déterminé à expérimenter par moi-même. Je ne l’avais pas encore fait pour des motifs suffisamment exposés dans un article antérieur[1].

Le premier sujet qui me fut offert était une jeune servante de vingt ans, campagnarde, à l’apparence robuste, entrée à la clinique du professeur Masius pour se faire soigner d’une aphonie de nature hystérique, contre laquelle, depuis six mois, s’escrimaient en vain tous les docteurs. Je pensais que peut-être, en l’hypnotisant, il y aurait moyen de la guérir par suggestion.

  1. Voir livraison de mai : La mémoire chez les hypnotisés.