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DELBŒUF.l’éducation et l’imitation dans le somnambulisme

jugés régnant chez les autres malades et leur entourage, et d’autres raisons encore. Bref, j’abandonnai cette intéressante malade et me tournai ailleurs.

Il résultait toutefois de nos essais, si peu nombreux qu’ils fussent, qu’il ne nous avait pas été possible de provoquer chez elle une hyperesthésie neuro-musculaire, ni de la placer en catalepsie par l’ouverture de yeux. Mais, d’un autre côté, ses paupières clignotaient ; elle avait été mise en léthargie et était tombée en somnambulisme à la suite de légers attouchements pratiqués sur le vertex. Nous avions donc rencontré quelques-uns des phénomènes ordinaires de la Salpêtrière.

On m’offrit de faire des essais sur une jeune fille de vingt-neuf ans en pension à l’hôpital pour se faire soigner, entre autres, d’une rétention d’urine de nature hystérique, sujette à des crises depuis une dizaine d’années, grande liseuse de romans, peu de sommeil. Elle désirait beaucoup être hypnotisée, et se prêta de bonne grâce à toutes mes tentatives. Mais ni les passes, ni le contemplation d’un point brillant, ni la fixation du regard, ne parvinrent à l’endormir. Tout son corps finissait par être le siège de secousses et de tremblements nerveux qui m’inquiétaient un peu ; quant au sommeil, il ne venait pas.

Comme je viens de le dire, elle dormait peu d’ordinaire, lisant toute la nuit, circonstance défavorable à la production de l’hypnotisme. Puis j’expérimentais à côté d’une église dont les cloches se mettaient à tinter toutes les dix minutes, je ne sais pour quelles raisons, au coin d’un carrefour où retentissaient à tout moment le passage des voitures et des chariots et les coups de fouet, de sorte que, attribuant une partie de mon insuccès à ces causes qu’il n’était pas en mon pouvoir d’écarter, je perdis patience.

Les hystériques ne me réussissaient pas, et pourtant l’Iconographie[1] contenait ce passage formel : « Il y a peu de femmes que l’on ne puisse hypnotiser… Mais on va plus vite et plus sûrement en prenant une hystérique. — De celles-là, les jeunes seront préférables ; elles sont plus sensibles, plus impressionnables. Certaines sont grandes liseuses de romans, elles ont un caractère qui ne manque pas d’une certaine sentimentalité : on les préférera à celles qui sont brutales, franchement lascives et ordurières. »

Heureusement, il me revint en mémoire que M. Beaunis[2] soutenait,

  1. T. III, p. 162.
  2. Recherches expérimentales, p. 2.