Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
revue philosophique

lui, l’avis opposé : « Le somnambulisme artificiel, dit-il, s’obtient avec la plus grande facilité chez un grand nombre de sujets, chez lesquels l’hystérie ne peut être invoquée, enfants, vieillards, hommes de toute constitution et de tout tempérament. Bien souvent même l’hystérie, le névrosisme, sont des conditions défavorables à la production du somnambulisme, probablement à cause de la mobilité d’esprit qui les accompagne et qui empêche le sujet qu’on veut endormir de fixer son attention assez fortement sur une seule idée, celle du sommeil ; au contraire, les paysans, les soldats, les ouvriers à constitution athlétique, les hommes peu habitués à laisser vagabonder leur imagination et chez lesquels la pensée se cristallise facilement, si j’ose m’exprimer ainsi, tombent souvent avec la plus grande facilité dans le somnambulisme, et cela quelquefois dès la première séance. »

III

Je me tournai donc du côté des paysans, sans trop d’espoir, je l’avouerai. J’avais justement sous la main deux sœurs, de la campagne, fortes, l’une surtout, bien portantes, et de mœurs excellentes.

Je commençai par la plus jeune, dix-neuf ans, taille 1 m. 55. Plusieurs jours de suite j’entrepris de l’endormir, me servant pour cela d’un point brillant ; j’obtins chaque fois de l’engourdissement dans les jambes et les bras, mais rien de plus.

Un soir, j’essayai des passes, et à ma grande joie elle s’endormit au bout de 10 à 12 minutes. Après quelques jours d’exercice, la moitié de ce temps suffisait. Seulement son sommeil était des plus légers. Si j’essayais de lui entr’ouvrir les paupières pour la mettre en catalepsie, ou de lui passer la main sur le vertex pour produire le somnambulisme, elle s’éveillait. Elle s’éveillait de même si je lui demandais de se lever, ou si, lui parlant, j’insistais pour qu’elle me répondît. Elle se réveillait encore si, pour constater son état de léthargie, je laissais retomber ses bras de trop haut, ou si, pour juger de son insensibilité, je la pinçais un peu fort. Ce n’était guère encourageant, mais je tenais bon.

Un soir, sa sœur vint dans l’appartement où la cadette était endormie. Je n’avisai de l’entreprendre, persuadé pourtant qu’elle me donnerait encore plus de difficulté que l’autre, étant quelque peu plus âgée, et beaucoup plus robuste (taille 1 m. 65). J’ai relaté dans l’article précédent comment J… fut endormie en sept minutes, et