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défende expressément. L’assertion de M. Beaunis, rapportée plus haut, que le sujet n’est en rapport qu’avec son hypnotiseur, est donc tout au moins trop absolue ; on verra qu’elle est fausse en principe. Je dois dire pourtant qu’elle est généralement acceptée et qu’elle est même fondée sur des observations communes.

Ceux qui ont lu mon premier article se rappelleront que les sujets de M. Ch… ne pouvaient pas être éveillés par lui lorsqu’ils avaient été hypnotisés par moi, et réciproquement.

On réveille J… par des procédés semblables à ceux qui l’endorment. On peut lui souffler légèrement dans la figure, lui dire tout doucement Éveillez-vous ! ou lui présenter ces mots écrits, ou bien encore lui annoncer qu’elle s’éveillera en disant tel mot ou en touchant tel objet ; ou en entendant tel signal ; l’effet est immanquable. Elle s’éveille instantanément, sans secousse, en ouvrant les yeux, si elle a les yeux fermés ; en faisant un mouvement des paupières à peine perceptible, si elle les a ouverts. Généralement elle sourit.

J… sait quand elle dort. Au commencement, quand je l’endormais par le regard suivi de passes, j’avais pris l’habitude de lui demander si elle dormait — parce qu’au moment des passes, elle fermait les yeux — et elle me répondait par un non ou par un oui, suivant l’occurrence. On voudra bien se rappeler que les jeunes sujets de M. Ch… (article précédent) ne voulaient pas admettre qu’ils dormaient quand ils étaient hypnotisés.

Ici cependant doit prendre place une remarque importante. Si je commande à J… un acte qu’elle doit accomplir après son réveil, quand je la réveillerai, elle me dira qu’elle est éveillée, et pourtant je suis aujourd’hui certain qu’elle est dans l’état hypnotique, ce que je vois bien d’ailleurs à son air. Mais, quand elle a accompli l’acte, alors il lui arrive ordinairement de s’éveiller tout de bon, et, dans ce cas, elle me dit qu’elle est bien éveillée. J’ai donc, rien que de ce chef, lieu de croire qu’elle ne l’est pas quand la première fois elle me répond qu’elle l’est, et, partant, cette réponse doit être une réponse dictée ou suggérée.

Ce drôle d’air, dont j’ai déjà parlé dans le précédent article, est caractérisé par une certaine fixité dans le regard, un certain sérieux dans la physionomie, une expression de résolution et d’entêtement qu’on peut noter même dans sa parole, plus nette, plus brève, plus précise, ou bien de lutte contre une impulsion intérieure. Mais la différence n’apparaît guère qu’à mon œil ou à mon oreille, et elle ne sera pas saisie facilement même par ceux qui ont l’occasion de la voir tous les jours. Lui ai-je, par exemple, suggéré d’être très gaie