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DELBŒUF.l’éducation et l’imitation dans le somnambulisme

second, au dernier coup d’une heure déterminée qu’elle entend sonner ; en touchant un objet ; en essayant de prononcer un chiffre ; au bout d’un nombre déterminé de pas ; en lisant un papier présenté par moi sur lequel est écrit ce mot dormez. Mais si l’écrit est présenté par une autre personne, il est sans pouvoir. Il en serait autrement, j’en suis convaincu, si je lui certifiais que la vue de l’écrit l’en dormira. Ce genre de fait a été observé dès l’origine du magnétisme. On aurait dit alors que le papier était imprégné de fluide magnétique.

Elle s’endort assise, debout, en marche ; elle ferme les yeux, et le plus grand calme se répand à l’instant sur son visage.

J…, sans avoir de beaux traits, a une physionomie avenante. Mais quand elle dort, elle est presque belle, tant elle rend bien l’image du repos absolu. C’est ce que M. Beaunis relève expressément dans son livre déjà cité : « Le corps est immobile, le masque impassible ; la figure a même une expression de calme et de tranquillité qu’elle atteint rarement dans le sommeil ordinaire[1] ». M. Beaunis part de là pour avancer que le sujet ne pense probablement à rien : « D’après ce que j’ai observé, dit-il, je serais porté à croire qu’il y a un repos absolu de la pensée, tant que les suggestions ne leur sont (aux sujets hypnotisés) pas faites. Quand on demande à un sujet placé dans le sommeil hypnotique, et j’ai fait cette demande bien des fois : À quoi pensez-vous ? presque toujours on a cette réponse : À rien. Il y a donc un véritable état d’inertie ou plutôt de repos intellectuel, ce qui s’accorde bien, du reste, avec l’aspect physique de l’hypnotisé » [2].

Je n’oserais hic et nunc souscrire sans réserve à ces paroles. Car J… n’est certainement pas indifférente à tous les bruits qui se font autour d’elle. Une preuve entre cent : si je lui dis qu’elle doit se réveiller, par exemple, à la demie, ou à tel coup d’une heure déterminée, elle n’y manquera pas. L’expérience en a encore été faite dimanche, 21 mars, en présence de M. le Dr Ch. Mathieu et des professeurs Masius et L. Frédéricq, de l’université de Liège.

J… est en communication avec toute l’assistance. Quelle que soit la personne qui lui parle, elle lui répond, et elle peut en recevoir des suggestions comme de moi-même. J’en rapporterai à une autre occasion un curieux exemple. La jeune fille aphone que M. Masius et moi avons hypnotisée nous écoutait aussi l’un et l’autre indifféremment.

J… peut être réveillée par n’importe qui, à moins que je ne le lui

  1. Recherches, etc., p. 89.
  2. Ibid., loc. cit.