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meil hypnotique, comme aussi de cette espèce de veille hypnotique distincte de la veille normale et sur laquelle je m’expliquerai une autre fois ; de même M… distingue parfaitement ces trois états, surtout les deux derniers. Bref, qui voit J… voit M… ; ce que l’une fait, l’autre peut le faire[1].

Si maintenant on met en regard la rapidité avec laquelle M… a parfait son éducation, et la lenteur des débuts, on est forcément amené à attribuer ce changement à l’influence de l’exemple. Bien mieux, il ne paraît même pas douteux que la promptitude qu’a mise J… à s’endormir ce soir où elle a vu sa sœur endormie — promptitude qu’on aurait pu mettre et que j’ai mise longtemps tout entière sur le compte de dispositions natives, — il n’est pas douteux, dis-je, qu’il faut l’attribuer, en grande partie tout au moins, à l’imitation, en d’autres termes, à la conviction, suggérée par cette vue, que j’avais le pouvoir de la plonger dans le sommeil comme j’avais fait sa sœur.

Les seules différences qui subsistent entre elles et que je ne ferais certainement pas disparaître, tiennent à leurs tempéraments, l’aînée étant plus vive, plus expansive, plus sensible ; la cadette plus lourde, plus en dedans, plus indifférente.

Comme j’aurai probablement plusieurs fois l’occasion de les présenter à mes lecteurs, ils ne trouveront pas mauvais que j’insiste sur ces différences.

J… voit instantanément ce qu’on veut lui faire voir, et va même au-devant des désirs ; M… commence par s’y refuser, et il faut insister, quelquefois longtemps, pour que l’hallucination se produise.

Si J… joue un personnage qui réclame de l’agilité, la vivacité de ses gestes et de ses mouvements est merveilleuse et amusante ; M… ne bouge pas de place, ou, quand elle se met en mouvement, c’est toujours avec lenteur.

J… répond tout de suite à une question, cause, fait des réflexions presque toujours originales ; à M… il faut arracher les réponses.

J… accepte d’emblée les plus étranges métamorphoses ; elle ne voit aucune difficulté à prendre une paire de pincettes pour un parapluie, ou un tire-bouchon pour une bêche. M… doit être retournée de bien des façons pour qu’elle voie un châle dans un tablier, un bonnet dans un chapeau d’homme.

Je donne ici un exemple qui m’a été fourni le 28 avril. Elle a horreur des hannetons. Endormie, je lui ai mis un hanneton sur la

  1. Depuis la fin d’avril, M…, à l’instar des sujets de M. Ch…, se frotte les yeux.