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reprendre le regard, moi-même pas davantage. Je pensai alors à lui présenter le doigt dont je m’étais servi pour l’attacher sur M. Mathien, et de cette façon je le repris non sans peine.

J’omettrai de mentionner quelques expériences de souvenir que je fis avec lui ; elles n’apprendraient au lecteur rien de nouveau ; elles réussirent toutes, les positives comme les négatives, c’est-à-dire celles qui avaient en vue le rappel comme celles qui avaient en vue l’oubli. J’aborde celles qui eurent pour but d’obtenir de lui un changement d’allures. Le récit en sera court.

Je lui montrai M…, comment elle s’endormait, sans bouger de sa chaise, et sans me regarder. A s’endormit, resta sur sa chaise et consentit du premier coup, mais non sans hésitation, à ne pas attacher sur moi son regard.

Je commandai ensuite à M… de s’endormir en comptant jusqu’à sept. Ce qu’elle fit ; et je fis remarquer à A qu’elle avait les yeux fermés et que ses membres étaient inertes. À s’endormit au chiffre prescrit de huit, tint les yeux fermés, et fut plongé en léthargie. On le laissa dans cet état plus de dix minutes, M. Masius ne cessant de lui soulever les membres.

Réveillé, je voulus lui faire voir un portrait sur une carte de visite — ce devait être le portrait de M. Ch… À ce nom, A se lève, cherche partout, pénètre de force dans les appartements voisins, regarde sous les meubles, ouvre les fenêtres pour voir dans la rue, dévisage tout le monde à plusieurs reprises. Ce ne fut qu’à grand’peine que je parvins à le faire rasseoir ; mais dorénavant il se tint tranquille. Il décrivit le portrait et le retrouva d’emblée, bien qu’il fût retourné, au milieu de six cartes semblables. Ce jour-là, je n’allai pas plus loin avec lui, la soirée étant trop avancée. Mais la suite se présumait.

En effet, le lendemain, en moins d’un quart d’heure, il imitait de point en point M…, copiait ses gestes, son attitude, son air calme et placide, se laissait manier comme cire, causait, dans son sommeil, avec tout le monde et se laissait réveiller par la première personne venue. Plus de trace de sauvagerie ni de violence.

Le débat, me parut-il, était vidé. Cependant il me convenait de soumettre B à la même éprouve. C’est pourquoi je priai M. Ch… de venir chez moi avec A et B. Il y vint, mais il n’avait pas encore, cette fois-ci, pu avoir B, et, en son lieu et place, il m’amenait un autre petit jeune homme, que je désignerai par la lettre C, encore un sujet de Donato, âgé d’un peu plus de treize ans, délicat, figure sympathique et intelligente, et « très sensible ».

Ce n’en était que mieux. M. Ch… l’hypnotisa à sa façon ; et il présenta exactement les mêmes phénomènes que les autres. Il