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ANALYSES.a. harpf. Die Ethik des Protagoras..

A. Harpf.Die Ethik des Protagoras und deren zweifache Moralbegrundung kritisch untersucht, Heidelberg, G. Weiss, 1885.

Comme au temps de Protagoras, dit l’auteur dans sa préface, la croyance religieuse a perdu une grande partie de sa force, les questions morales sont devenues pour nous un grave sujet de préoccupation. En essayant de jeter une nouvelle lumière sur la morale de Protagoras, il espère du même coup fournir d’utiles indications à ceux qui aspirent à fonder une morale scientifique.

L’ouvrage est divisé en deux parties dans la première, l’auteur s’occupe d’établir les théories morales de Protagoras ; dans la seconde, il compare quelques autres doctrines à celle de Protagoras.

La première partie débute par une introduction. Le naturalisme et le subjectivisme se distinguent essentiellement du normalisme et de l’objectivisme. Le naturalisme suppose que le fondement d’une bonne action, c’est-à-dire d’une action conforme au principe moral, se trouve dans le sujet lui-même, et qu’il y est ou inné, ou acquis. Pour le normalisme, ce fondement est le commandement d’une puissance terrestre ou supra-terrestre, c’est une chose donnée du dehors à celui qui agit, pour régler ses actions.

Or si l’on prend le Mythe du Protagoras, le sophiste est un défenseur du naturalisme moral ; si, au contraire, on se reporte au Théétète (p. 166, sqq.), on devra le considérer comme un partisan du normalisme. Pour établir qu’il y a lieu de rapporter à Protagoras les doctrines que lui attribue Platon, M. Harpf pose en principe que, partout où Platon introduit expressément un de ses adversaires en lui faisant prononcer un long discours apologétique, il convient de considérer comme authentique la doctrine qu’il lui attribue.

L’introduction est suivie de deux chapitres dans lesquels M. Harpf expose successivement ce qu’il a appelé le naturalisme et le normalisme moral de Protagoras.

Nous indiquerons dans la seconde partie les passages où l’auteur essaye de montrer que la morale de Kant a, comme celle de Protagoras, un double fondement, où il rapproche la croyance de Socrate à son démon du naturalisme de Protagoras, etc…

Remarquons qu’il y aurait bien des critiques à présenter sur la manière dont M. Harpf semble entendre l’histoire de la philosophie. Qu’on veuille faire servir ses études historiques à établir une doctrine spéculative ou qu’on se propose uniquement de faire revivre les anciens systèmes, il est toujours nécessaire de commencer par une exposition fidèle. Or, pour qu’une exposition soit exacte, il faut avant tout laisser les doctrines dans leur milieu, leur conserver l’ordre et les divisions qu’elles avaient chez leur auteur, sans leur imposer la solution de questions auxquelles celui-ci n’a jamais pensé. Et nous ne sachions pas qu’aucun Grec ait jamais songé à diviser les doctrines morales en naturalisme et en normalisme. Que si l’on passe par-dessus ce premier point d’importance capitale, il nous semble difficile de rapprocher