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société de psychologie physiologique

de veille, de ne plus mettre ainsi ses mains dans l’eau ; sans lui rien expliquer, je lui ai persuadé, ce qui n’était pas sans vérité, qu’elle se faisait grand mal en luttant ainsi contre un étourdissement passager. Je lui fis même cette défense pendant l’état somnambulique, accentuant ainsi mes recommandations par la force de la suggestion, et le 25 février, sans prévenir personne, je recommençai la même expérience. Dans les mêmes conditions, vers cinq heures du soir, je pense à l’endormir ; j’y pense le plus fortement possible et à peu près sans distraction pendant 8 minutes, puis je me rends immédiatement auprès d’elle. Elle était étendue sur un canapé et plongée dans le plus profond sommeil ; aucune secousse ne peut la réveiller. Mais si je lui serre les doigts ou si je lui touche légèrement la peau du bras, les muscles sous-jacents se contracturent fortement ; si je lui ouvre les yeux à la lumière, elle entre en catalepsie vraie avec l’immobilité caractéristique des attitudes ; si je lui referme les yeux, elle retombe dans l’état précédent. Elle était donc bien en état de sommeil hypnotique qui avait commencé par une coïncidence des plus étranges, justement quelques minutes avant mon arrivée. D’ailleurs, elle ne tarde pas à s’agiter et à parler dans le somnambulisme lucide : elle manifeste une grande joie de me sentir près d’elle et sait très bien que c’est moi qui l’ai endormie à cinq heures.

Deux nouveaux essais, l’un le 26 février et l’autre le 1er mars, ne réussirent pas complètement. Mme B… n’éprouva qu’une indisposition et fut distraite par des personnes qui lui parlaient au moment où elle allait s’endormir.

Mais, le 2 mars, je recommence le même commandement chez moi à trois heures de l’après-midi. Je ne la rejoins qu’une heure après, et je la trouve dans une singulière attitude. Elle était assise et cousait une serviette ; les yeux étaient ouverts, les mouvements continuaient à se produire très régulièrement, mais avec une lenteur extraordinaire : elle cousait à peine trois ou quatre points par minute. Je lui prends le bras sans rien dire et le mets en l’air ; il reste immobile : elle était en véritable catalepsie et cet état durait au grand étonnement des personnes présentes depuis une heure. Elle avait peu à peu cessé de répondre aux questions et était restée ainsi immobile. Je lui baisse les paupières, aussitôt elle tombe en arrière et, dans cet état de somnambulisme à forme léthargique, elle ne cesse de répéter : « Oh, j’ai sommeil… vous me faites mal de me réveiller… j’ai sommeil, je vais tomber… vous me faites mal de me parler… M. Janet ne veut pas… quand est-ce qu’il va venir ?.. » Dans un instant de lucidité, elle me reconnaît, me saisit la main avec un cri de satisfaction et alors se rendort paisiblement et sans rêver.

Le lendemain, 3 mars, Mme B… ne fut pas endormie et se porta très bien.

Le 4, il faut signaler un incident assez curieux. Je voulais endormir Mme B… de chez moi par le commandement mental ordinaire et j’y pensais depuis trois ou quatre minutes quand plusieurs personnes entrant