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l’a fait venir chez lui par suggestion mentale comme je le raconterai tout à l’heure. Malheureusement, les deux jours suivants, le 21 et le 22, pour différentes raisons dans lesquelles la fatigue du sujet et ses maux de tête entrent pour beaucoup, deux essais de sommeil à distance tentés par M. Gibert, ne réussirent qu’incomplètement : le sujet ne s’endormit qu’une demi-heure plus tard après une longue résistance. Mais le même jour, 22 avril, M. Gibert l’endormit avec bien plus d’exactitude dans la soirée, et le vendredi et le samedi suivants, à deux heures différentes choisies par MM. Myers, Ochorovicz et Marillier, j’ai endormi le sujet de loin avec un plein succès et une grande précision.

Ces messieurs nous quittèrent le dimanche de Pâques et il était fort nécessaire de laisser reposer le sujet. Je n’ai repris ces recherches que le 4 mai où j’ai endormi le sujet de près ; mais les deux jours suivants, 5 et 6, j’ai encore obtenu deux fois le sommeil à distance. Le récit de ces expériences n’aurait aucun intérêt, car il serait identique aux précédents.

Une question que l’on se posera sans doute en lisant le récit de ces expériences est la suivante. Est-ce qu’il n’arrive jamais à Mme B… de s’endormir spontanément en dehors des heures où on lui commande le sommeil de loin ? si cela lui arrive souvent, les coïncidences deviendront moins merveilleuses.

Il est facile de répondre. Je ne parle pas du sommeil naturel qui s’est produit une fois après une promenade fatigante ; mais, pendant toute la durée de son séjour au Havre, je l’ai trouvée deux fois en état d’hypnotisme qui n’avait point été provoqué par notre commandement. Un jour, elle trouva vers onze heures du matin un album de photographies ; s’étant amusée à le feuilleter, elle s’arrêta devant la photographie de M. Gibert, puis elle ne bougea plus. Personne ne put la tirer de cet état qui était une catalepsie complète. Je ne fus prévenu du fait que trois heures plus tard et étant dans l’impossibilité de me rendre auprès d’elle je conseillai simplement qu’on lui fermât les yeux. À quatre heures et demie, je la retrouvai encore en somnambulisme. Elle fut très heureuse de me voir, mais ne voulut pas d’abord être réveillée par moi, elle retombait en arrière dès que je commençais à la réveiller et appelait M. Gibert. Au moyen de quelques suggestions, je lui persuadai que c’était moi qui l’avais endormie le matin et je pus la réveiller, non sans peine. Le réveil d’ailleurs a toujours été difficile.

Un autre jour, ainsi que je l’ai déjà dit, elle se rendormit spontanément deux heures après avoir été réveillée, mais elle était dans une période où je l’endormais tous les jours plusieurs fois et elle avait simplement été mal réveillée. D’ailleurs, pendant ces deux heures d’intervalle, elle n’avait pu ni parler ni manger : elle était donc restée malheureusement dans un état de demi-sommeil. Voilà certes deux cas où elle est tombée spontanément en hypnotisme, mais le sommeil n’a-t-il pas ici une explication claire et précise quoique curieuse, dans le premier cas, et peut-on complètement comparer ces deux faits avec les