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société de psychologie physiologique

autres accès d’hypnotisme survenant sans cause apparente juste au moment où nous lui commandions de loin le sommeil.

Faisons le résumé des expériences sur le sommeil à distance que j’ai rapportées aujourd’hui. Je ne parle pas des expériences qui ont été faites en se tenant dans la même chambre ou dans une chambre voisine et qui ont toujours réussi, mais je tiens compte de toutes les autres qui ont été tentées de loin, sauf une cependant que l’on essaya la nuit pendant le sommeil naturel du sujet. Elle n’eut aucun résultat, mais elle n’était pas faite dans des conditions normales. Je compte comme échecs toutes les expériences incomplètes où le sommeil a trop tardé à se produire. Voici la statistique définitive. Il y eut en tout vingt-deux expériences faites soit par M. Gibert soit par moi, sur lesquelles il faut compter six échecs, trois tout au début quand l’habitude somnambulique n’était pas encore assez forte, un plus tard également après une interruption de quelques jours dans les séances, et deux quand le sujet fatigué a résisté plus d’une demi-heure avant de s’endormir. Il y eut d’autre part seize succès précis et complets. Faut-il croire qu’il y a eu seize fois une coïncidence fortuite quoique exacte ? La supposition est peut-être un peu invraisemblable ; y a t-il eu toutes les fois suggestion involontaire de notre part ? Je ne puis répondre qu’une chose, c’est que très sincèrement nous avons pris toutes les précautions possibles pour l’éviter. Ne concluons donc qu’une chose, c’est que de pareils faits méritent d’être reproduits et étudiés, et à ce point de vue les expériences suivantes ont encore leur intérêt.

Dans ma première note à la Société de psychologie physiologique j’ai signalé un autre fait qui se rattache évidemment au précédent : ce sont les suggestions d’actes faites par la pensée. Je n’ai pas eu le temps de m’en occuper aussi sérieusement que du sommeil provoqué à distance et je n’ai pas obtenu moi-même de résultat bien net. Si j’approche mon front du sien pendant le somnambulisme léthargique, Mme B… parait ressentir une impression pénible, et éloigne sa tête le plus possible. Si je lui donne alors un commandement par la pensée, elle me prend la main et la serre comme pour indiquer qu’elle a compris. Le lendemain, à l’heure exacte que je pensais la veille, elle est prise de grands troubles, de maux de tête, de tremblements et de sueurs froides ; elle sait, dit-elle, qu’elle a quelque chose à faire, mais elle ne sait pas quoi et n’exécute pas la suggestion. En somme, elle ne comprend de mon commandement que l’heure et non pas l’acte à exécuter. En présence de cette indisposition pénible que la suggestion provoquait on comprend que je n’aie pas recommencé souvent cette expérience. Une seule fois j’ai obtenu un résultat assez curieux. Je lui avais suggéré par la pensée de prendre une lampe à onze heures du matin et de la porter au salon. À onze heures elle prit des allumettes et les enflamma les unes après les autres en étant d’ailleurs dans la plus grande agitation. Je l’endormis pour la calmer et ses premiers mots furent ceux-ci : « Pourquoi voulez-vous me faire allumer une lampe ce matin ; il fait grand jour. » C’était un succès