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produits gênants que cette fatigue engendre, les travaux de Preyer ont signalé l’acide lactique qui s’empare de l’oxygène du sang et contribue par cette, soustraction à ralentir les fonctions cérébrales. L’état de repos a précisément pour objet : 1o Le renouvellement des matériaux nutritifs par assimilation, 2o l’enlèvement des déchets. L’organe ne peut en même temps fonctionner au dehors et se réparer en dedans : ce sont là deux espèces d’efforts qui se contredisent et qui par conséquent doivent alterner. C’est pourquoi, selon les expressions de Claude Bernard, la circulation nutritive, qui accumule et organise les matériaux nécessaires à la vie, vient remplacer dans le sommeil la circulation fonctionnelle qui les consume. Le sommeil est donc bien, comme le disent nos physiologistes, une fonction. Nous éprouvons une jouissance positive quand nous pouvons préparer cette fonction à notre gré, c’est-à-dire quand nous sentons que le travail réparateur qui commence ne rencontre aucun obstacle dans la persistance importune d’un travail fonctionnel incohérent et saccadé. Notre jouissance s’accentue encore quelque peu quand nous sentons que nos membres peuvent prendre et garder facilement l’attitude qui leur convient, que nos organes splanchniques, débarrassés de tout lien et de tout fardeau, ont la liberté qu’ils réclament. N’est-ce pas là pour tout le monde ce prima quies dont Virgile a dit en termes si expressifs : dono divum gratissima serpit ?

Ainsi, tout besoin est accompagné de mouvements naissants ébauchant déjà la fonction dont l’organisme a senti la nécessité. Le plaisir et la douleur qui se mêlent ou se succèdent dans le sentiment du besoin accélèrent ou calment les mouvements, selon les lois que nous avons étudiées dans le chapitre précédent.

II

Si nous voulons être aussi complet que possible, il faut nous demander maintenant comment, dans quels organes, par quelles sympathies ou par quelles actions locales se groupent les mouvements liés au besoin.

On sait qu’il ne faut tenir qu’un compte très secondaire de l’organe où s’exécutent les mouvements les plus apparents de la fonction. Ce n’est pas que l’estomac, le palais, les poumons n’aient un rôle très important de l’acte final auquel chacun d’eux concourt ; mais ils ne sont que les serviteurs de l’organisme total, et c’est celui-ci qui, dans presque toutes les fonctions, fait sentir ses exigences. C’est l’orga-