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JOLY.la sensibilité et le mouvement

nisme entier qui a faim, c’est l’organisme entier qui a soif. Qui ne connaît toutes les expériences qui le prouvent, en montrant la soif irritée ou apaisée suivant que le milieu supérieur manque d’eau ou qu’il en reçoit une quantité suffisante par une voie quelconque, de même que l’on calme la faim par une ingestion directe dans les veines de matières immédiatement assimilables ? Il est encore évident que si l’on pouvait introduire artificiellement dans le sang l’oxygène qu’il lui faut et lui retirer son excès d’acide carbonique, les mouvements respiratoires cesseraient d’être un besoin. Ce serait la prolongation de cet état passager que les physiologistes appellent apnée.

Jusqu’où faut-il étendre la sphère de ces besoins généraux ? Le besoin sexuel en est-il un ? Il paraît difficile de le nier, puisque après la puberté tout change dans l’individu, sa voix, sa taille, la forme de sa poitrine et jusqu’au tour de ses idées. Des besoins beaucoup plus spéciaux en apparence, comme la défécation, la miction, le besoin de tousser ou de bâiller sont-ils absolument locaux ? Et est-il difficile de les rattacher soit aux grandes fonctions qu’ils terminent, soit aux états plus généraux dont ils sont de simples symptômes ? Les tics mêmes, qui sont des besoins maladifs produisant de petits mouvements dans des régions très déterminées, accusent un état de santé causé par la préoccupation, l’excès de travail, le surmenage intellectuel ou enfin une prédominance presque pathologique de l’élément nerveux, donc en tous cas, une prédisposition de l’organisme tout entier.

Cette participation de toute l’économie au développement des besoins n’empêche pas que, dans l’analyse des divers mouvements ainsi groupés, on ne compte d’abord celui de l’organe local. Y tout rapporter serait excessif ; ne lui attribuer aucun rôle serait singulier. Tantôt en effet c’est à lui qu’aboutira une excitation née ailleurs ; tantôt c’est de lui que l’excitation partira pour provoquer un besoin prêt à naître. Il n’y a pas ici à insister.

Au mouvement local correspondent presque immédiatement les mouvements sympathiques d’autres organes associés. Quand la faim commence à se faire sentir spontanément ou qu’elle est hâtée par quelque sensation accidentelle, tous les organes qui doivent contribuer à la fonction désirée sont en éveil. « Toutes les puissances digestives, disait Brillat Savarin, se mettent sous les armes, comme des soldats qui n’attendent plus que le commandement pour agir. » Les physiologistes n’ont pas dédaigné[1] de recueillir cette ingénieuse formule et de la démontrer expérimentalement : ils ont établi que depuis les

  1. Voyez dans le Dictionnaire Jaccoud l’article digestion, par P. Bert.