Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
revue philosophique

sucs buccaux jusqu’aux sucs intestinaux, toutes les sécrétions nécessaires se préparent déjà ou même commencent à donner quelques signes d’intervention au moindre signal qui leur annonce que la fonction est commencée. Nous avons entre vu quelque chose de tout semblable dans le besoin du sommeil : tous les organes des sens veulent se fermer, tous les organes de locomotion cesser d’agir et se détendent. Voyez par contre l’homme qui combat le besoin du sommeil : il dresse la tête, il raidit ses bras et ses jambes, il abandonne le fond du siège où il est assis et il se penche en avant, il érige en quelque sorte tout son corps pour le tenir bon gré mal gré dans une attitude d’activité plus attentive.

Mais au-dessus de tous ces organes sympathiques il faut toujours faire la part de celui qui régit tous les autres, le centre nerveux et particulièrement l’encéphale. Les localisateurs à outrance ont voulu trouver des centres spéciaux pour chacune de nos fonctions et pour chacun de nos besoins. Ainsi le besoin de respirer a été localisé par Bell et par Schiff dans les cordons latéraux de la moelle et dans la partie cervicale de la moelle épinière[1]. Pour Ferrier, les centres du besoin sexuel sont localisés dans les régions qui unissent les lobes occipitaux à la région inféro-interne du lobe temporo-sphénoïdal ; la faim vient des lobes occipitaux, etc. Nous n’avons point à prendre parti dans ce débat toujours ouvert et où les divergences sont si accusées. M. Charcot estime que le cerveau est un ensemble d’organes distincts et que chacun de ces organes est doué de propriétés spéciales, de telle sorte que la lésion d’une partie déterminée entraîne la suppression de la fonction à laquelle elle préside. M. Brown-Séquard juge plus conforme aux faits la théorie qui pose que les cellules nerveuses exerçant les fonctions primaires du cerveau sont disséminées dans tout cet organe, de telle sortè qu’une lésion ou irritation locale ne saurait atteindre qu’une partie des cellules douées de la même activité fonctionnelle[2]. Malgré des tentatives ingénieuses de localisation qui peuvent être interprétées de plusieurs manières, Ferrier[3] fait une distinction qui lui assigne entre M. Charcot et Brown-Séquard une place intermédiaire. Il distingue les fonctions physiologiques et les fonctions psychologiques du cerveau. En tant qu’organe de sensibilité, de mouvement et de conscience présentative, le cerveau est un seul organe composé de deux moitiés : qu’une moitié soit détruite ou lésée, le mouvement et la sensation sont abolis ou altérés d’un

  1. Voyez Ferrier, Les fonctions du cerveau, p. 43.
  2. Société de biologie, 1881.
  3. Voyez les Fonctions du cerveau, p. 412.