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JOLY.la sensibilité et le mouvement

nymphomanie, satyriasis, priapisme, etc. Ce sont ici les médecins qui ont le plus de compétence, puisqu’il s’agit de véritables maladies. Or, si nous cherchons comment ils en expliquent les causes, voici ce que nous trouvons : ils font une part, très petite, aux causes locales ; ils voient presque toujours dans le besoin pathologique le signe d’une maladie plus générale, et ils accordent fréquemment un rôle considérable à quelque trouble du cerveau. Plusieurs même ne craignent pas d’invoquer en différentes circonstances des causes d’ordre moral, dépendant beaucoup plus de la volonté que d’une lésion encéphalique. En résumé, c’est bien là où nous avons vu naître le vrai besoin qu’agissent aussi les causes accidentelles qui préparent le faux.

« La boulimie, nous dit Lasègue, ne se lie en général à aucune lésion stomacale, grave ou superficielle[1]. Si l’on en croit d’autres cliniciens, les organes digestifs des boulimiques ont été quelquefois trouvés énormes à l’autopsie. Mais c’était sans doute là un effet plutôt qu’une cause de l’exagération du besoin. Le plus souvent, cette exagération est présentée comme un trouble fonctionnel, comme une névrose se rattachant à l’aliénation mentale ou à l’hystérie. Quelquefois enfin, c’est presque une création de l’imagination égarée par l’obscur sentiment d’un mal dont le vrai remède lui est inconnu[2].

La dipsomanie[3] est rarement un mal isolé. C’est un symptôme qui, ajouté à beaucoup d’autres, sert à caractériser certaines affections générales et telle ou telle variété de manie instinctive. Mêmes conclusions pour les faux besoins qu’on appelle nymphomanie chez les femmes, satyriasis chez les hommes. On ne nie pas que certaines excitations locales, nées de causes accidentelles, ne puissent les entretenir quelque temps ; mais, dès qu’on les voit persister et prendre plus de violence, il faut en chercher la cause dans des lésions plus profondes, et c’est dans l’état des centres encéphaliques que les hommes compétents s’accordent à la trouver.

Si le besoin exagéré et maladif tient surtout à des désordres géné-

  1. En général, car ailleurs Lasègue signale certaines affections stomacales faisant naître « des sensations appétives illusoires ».
  2. Chez les hystériques on observe ces faux appétits exigeants, impérieux, au même degré que chez certains diabétiques. Presque toujours les malades, obéissant à une hypothèse théorique, partent de l’idée que leur malaise est dû à l’inanition et qu’ils réussissent à le conjurer à l’aide d’une nourriture si réduite qu’elle soit. L’expérience montre que deux gouttes de laudanum servent mieux à apaiser la faim imaginaire que l’ingestion des aliments. (Lasègue, Études, t.  II, p. 47.)
  3. On sait qu’il ne faut pas la confondre avec l’ivrognerie, faux besoin né peu à peu d’habitudes volontaires.