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GUARDIA.philosophes espagnols

de rendre accessibles au plus grand nombre les vérités fondamentales, sans appareil ni apparat ; précaution que ne prenaient guère les philosophes en ce temps où l’érudition plantureuse rendait encore plus pesant le pédantisme scolastique.

La comparaison du microcosme et du macrocosme sert ingénieusement à mettre en pleine évidence les rapports de l’homme avec le monde extérieur, conformément aux principes de la philosophie naturelle. Ce chapitre renferme toute la psychologie de l’auteur, sensualiste en somme, car il rend les facultés tributaires des sens, puisque le sensorium ne peut rien par lui-même sans les sensations externes. Le sens commun siège dans la région frontale, avec l’entendement et la volonté, qu’il ne sépare pas plus que Spinoza ; l’imagination et la conception occupent le département intermédiaire ; et à l’arrière a son siège la mémoire qui conserve les images du passé. L’entendement prononce, la volonté ordonne, et les organes exécutent. Pour rendre ses explications plus claires, l’auteur expose brièvement le mécanisme de la vision ; et comme il touche à des matières délicates, il a soin de déclarer qu’il se soumet d’avance aux décisions de l’Église, todo lo qual se ha dicho sub correctione la sanctæ Matris Ecclesiæ y lo que se dirá.

Le principe de tous les actes, de tous les sentiments, de tous les mouvements, de tous les phénomènes vitaux, réside dans la tête. Les vapeurs de la terre et de la mer s’élèvent, se condensent en nuages et retombent en pluie : il en est de même des vapeurs de l’estomac, qui montent au cerveau et produisent le sommeil. C’est là que, transformées en chyle, elles retombent, dans les maladies, sous la forme de bile et de flegme ; les ventosités précèdent cette sorte de pluie. Croissance et décroissance, telle est la formule de la santé et de la maladie, de la vie et de la mort, applicable aussi aux plantes et aux animaux. Sans les passions qui le tuent, l’homme serait sujet aux lois de la nature, comme tous les êtres vivants, à un petit nombre de maladies, comme les bêtes, et il mourrait de mort naturelle, après avoir parcouru les deux périodes de croissance et de décroissance, sauf les accidents imprévus.

Les changements qui s’opèrent avec les progrès de l’âge, l’homme n’en a ni conscience ni connaissance, parce qu’il est un et identique, et que l’entendement, qui connaît toutes choses, ne se peut connaître soi-même, comme l’œil qui voit tout et ne peut se voir lui-même. La vie monte et descend par deux pentes opposées : la montée est agréable, la descente, triste. Tout ce qui vit est en mouvement et se transforme. Le péril n’est pas tant dans le déclin que dans l’ascension. Combien d’hommes sains, forts et robustes sont terrassés soudaine-