Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
315
ANALYSES.ch. bénard. La philosophie ancienne.

entraîné la disparition de la philosophie à laquelle il avait donné naissance ? Nous aurions également des réserves à faire sur le caractère original et autochthone que M. Bénard, après MM. Zeller et Janet, attribue à la philosophie grecque. On connaît trop mal jusqu’ici, ce semble, les rapports des Grecs avec les autres peuples pour affirmer ou nier, en complète connaissance de cause, quoi que ce soit en cette matière.

Nous signalerons, dans la première section consacrée aux écoles ionienne, éléate, pythagoricienne et atomistique, la partie consacrée à cette dernière où il combat la théorie, soutenue par MM. Zeller, Liard et surtout par M. Lévêque, d’un atomisme ou rationalisme métaphysique. Socrate est longuement étudié (p. 110 à 186) et défendu contre ceux qui, exagérant certaines idées de Rousseau, l’ont présenté comme ayant posé devant ses contemporains et devant la postérité, comme ayant arrangé sa mort. Sur certains points, M. Bénard s’accorde avec M. Fouillée, sur d’autres (p. 155) il le combat comme ayant appliqué à Socrate lui-même sa méthode d’accoucher les esprits. Les écoles socratiques sont brièvement traitées (187 à 244) et les anecdotes un peu suspectes empruntées à Diogène Laerce y tiennent peut-être une place trop considérable : le Mégarisme eût pu être exposé d’une façon plus intéressante et plus complète si l’auteur eût tiré parti du passage célèbre du Sophiste qui ne saurait s’appliquer qu’aux Mégariques et qui jette sur leur doctrine une lumière suffisante. Notons une comparaison intéressante entre le pessimisme grec et les idées bouddhistes (p. 241), entre le pessimisme grec, le pessimisme indou et la doctrine de Schopenhauer (cxxvi).

Mais la partie la plus considérable de ce volume (plus de 180 pages) est consacrée aux sophistes. L’auteur donne d’abord (80 à 110) les caractères généraux de la sophistique, cite les principaux sophistes, expose leur philosophie, enfin apprécie la sophistique. Puis, dans des études critiques placées à la fin du volume, il procède d’abord à la révision des thèses soutenues par les deux écoles que l’on dit avoir réhabilité les sophistes. Il présente et discute successivement la thèse hégélienne telle que Hegel l’a exposée dans sa Logique, dans sa Philosophie de l’histoire, dans son Histoire de la Philosophie ; il traduit un certain nombre de passages intéressants et soutient que la thèse allemande est une réintégration, non une réhabilitation de la sophistique. Hegel a trouvé que la sophistique avait joué un rôle important dans l’histoire en général et dans celle de la philosophie grecque en particulier, qu’elle formait un élément nécessaire dans le développement de la pensée humaine ; mais il a écarté à peu près le côté moral et n’a jamais songé à dire que Platon, Aristote et Xénophon les ont calomniés.

La thèse anglaise, au contraire, est une réhabilitation, un plaidoyer en règle en faveur des sophistes ; l’idéalisme allemand fait de la sophistique un moment de transition, le positivisme s’y arrête. Démontrer