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expliquer et de les apprécier. Il ne doit pas mêler à l’exposition des doctrines des termes nouveaux et des formules modernes, signaler partout des analogies avec nos idées, nos mœurs et nos institutions ; il ne doit pas introduire un ordre d’exposition différent de celui de l’auteur, quoiqu’il lui paraisse plus logique ; il ne doit pas, enfin, lui poser des questions auxquelles il n’a pu songer, lui demander la solution de problèmes qui n’ont été soulevés que plus tard.

Nous ne voulons que signaler les chapitres sur les limites et les antécédents de la philosophie ancienne, sur la philosophie orientale, sur le Védisme, le Brahmanisme et le Bouddhisme, sur les Chinois, les Chaldéens, les Assyriens, les Égyptiens, etc. Nous présenterons cependant à l’auteur quelques observations sur des points qui ne nous paraissent pas sans importance. Il croit que la table de Pythagore ou toute autre invention de ce genre, la prédiction d’une éclipse par Thalès, les théories physiques, chimiques et la physique mathématique du Timée ne présentent que fort peu d’intérêt pour l’historien des systèmes. Il nous semble, au contraire, que les connaissances positives des anciens, ou, si on l’aime mieux, la manière dont ils expliquaient les phénomènes, dont ils se représentaient l’état actuel de l’univers, peut nous faire beaucoup mieux comprendre les théories par lesquelles ils ont essayé de se rendre compte de l’origine des choses. L’histoire des sciences, à chacune des époques de l’histoire de la philosophie, est absolument nécessaire pour distinguer les systèmes qui, dans la succession des siècles, font appel aux mêmes principes, pour demeurer fidèle à l’histoire et ne pas transporter dans le passé des conceptions absolument modernes. Il est assez surprenant, d’un autre côté, que l’auteur qui parle de la philosophie des Pères de l’Église (p. 6) ne veuille voir aucune philosophie dans l’Inde : le Bouddha lui-même n’est pour lui qu’un sage et non un philosophe. Nous le trouvons aussi bien sévère pour la morale bouddhique et pour la morale de Confucius, que M. Janet a appréciées, croyons-nous, avec beaucoup plus d’indulgence et de vérité. Sans doute, on peut citer de hideuses, d’absurdes superstitions ; mais outre que le nombre de ces pratiques honteuses et dégradantes a été souvent exagéré, il n’y a pas une religion, pas une doctrine philosophique même qu’on ne pourrait condamner en se plaçant à un point de vue aussi étroit : comment jugerait, par exemple, le Platonisme ou le Christianisme celui qui ne connaîtrait que la communauté des enfants et des femmes prêchée dans la République ou les actes des Convulsionnaires ?

L’auteur distingue dans la philosophie grecque trois époques : la première qui se termine avec les sophistes, la seconde qui comprend Socrate, Platon, Aristote, Pyrrhon, Zénon, Épicure ; la troisième qui est surtout représentée par Plotin et Proclus. N’y a-t-il pas cependant trop de différence entre Socrate, Platon et Aristote d’un côté, Pyrrhon, Zénon, Épicure et Arcésilas de l’autre pour qu’on puisse les réunir ? Le monde politique et religieux, qui a disparu vers l’an 320 avant J.-C., n’a-t-il pas