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Veut-on encore quelques preuves du progrès incontestable et accepté par toutes les écoles, qu’elles ont toutes séparément contribué à assurer ? En voici deux, au hasard. L’une est relative au principe de la descendance biologique. Quelques différences qui existent entre l’hypothèse dérivative » d’Owen, la « descendance adaptative » de Lamarck, la « descendance modifiée » des darwinistes, la « descendance reconstructive » des physio-philosophes et celle des biologistes idéalistes, la genèse unitaire des vivants est une exigence vivace et commune à toutes les écoles modernes, et même aux néo-cuvéristes. Quant aux lois concernant la spécification, « l’adaptation » de Lamarck, la « sélection naturelle » de Darwin, « l’isolement et la ségrégation » Wagner, « l’émigration et l’association pour la lutte dans la vie » de Lamarck, le « milieu ambiant » de G. Saint-Hilaire, la « capacité de reproduction et la force expansive et essentiellement plastique des espèces », défendues par quelques savants, l’idée de la graduelle complication soutenue avec de légitimes inductions par les zoonitistes, la transmission héréditaire » universellement admise, quoique dans une mesure variable ; toutes ces lois se réclament les unes des autres, toutes concourent au fait de la spécification, toutes paraissent nécessaires pour commencer, consolider, compléter la genèse et la constitution des types organiques.

Enfin, pour citer, une dernière fois, les propres paroles de l’écrivain regretté « Dans la nouvelle biologie, le point de vue mécanique et le point de vue idéal, par eux-mêmes imparfaits, abstraits, unilatéraux, insuffisants, ne s’excluent pas, mais bien s’impliquent, se réclament, s’intègrent tour à tour par une inévitable nécessité. Si la biologie mécanique étudie la vie de l’extérieur, et la biologie idéaliste de l’intérieur, elles seront et pourront être deux recherches distinctes, mais inséparables. Entre le mécanisme bien entendu et l’idéalisme bien entendu (quoi qu’en disent ceux qui prétendent inféoder la science à des noms propres), il n’y a ni antithèse invincible, ni antagonisme radical, ni contradiction réelle. Pourquoi ? Parce que tous deux tendent à une fin commune, parce que tous deux défendent l’idée souveraine de l’évolution, parce que tous deux s’évertuent à légitimer cette idée. Qu’il y ait dans tous les deux le ver rongeur et venimeux de la métaphysique, qui ne le sait ? Mais devrons-nous déprécier la perle à cause de la coquille qui l’enferme ? » ( p. 406).

Une dernière conclusion de l’auteur, et celle-ci tout à fait pratique, concerne le rôle à prendre par la nouvelle biologie. Elle a, selon lui, deux fonctions à remplir : corriger et concilier ces deux points de vue essentiels, « ces deux fécondes intuitions que la pensée philosophique poursuit de siècle en siècle, avec une ardeur infatigable, à partir des écoles présocratiques jusqu’au criticisme anglais et allemand de nos jours ».

Ces judicieux et sages conseils sont à l’honneur de l’écrivain distingué qui les donnait, et qui cherchait lui-même à s’y conformer. Mais