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société de psychologie physiologique

Dès 1879, je m’étais préoccupé d’arriver à ce résultat, atteint en partie, avec le concours d’un sujet que j’hypnotisais par la pression des paupières. Depuis cette époque, l’isolement de la vie de province, la difficulté de retrouver un sujet, et surtout mes notions très incomplètes sur l’hypnotisme m’ont empêché de réitérer mes expériences, sur la valeur desquelles j’attendais confirmation. Cette confirmation est venue, décisive. L’article de MM. Ferrari, Héricourt et Richet vaut baptême scientifique pour la graphologie.

Les observations qui en font l’objet peuvent être classées en deux catégories.

Dans la première sont comprises les suggestions suivantes : Harpagon, Paysan madré et retors, Homme extrêmement vieux, Petite fille de douze ans.

Dans la seconde se trouve uniquement classée la suggestion faite à une dame d’être Napoléon.

Ces deux divisions, bien distinctes quant à leurs termes opposés, n’ont, bien entendu, rien de contradictoire. Leurs limites, circonscrites avec précision dans certains cas, finissent par se confondre, et l’on passe insensiblement de la première à la seconde.

Harpagon, le paysan, le vieillard, la petite fille sont des types généraux ; chaque sujet qui en endossera le vêtement acquerra en même temps la caractéristique scripturale du genre.

Par contre, et c’est ce qui justifie l’hypothèse de ma seconde catégorie, chaque sujet modifiera les contours du type prévu d’après sa personnalité particulière.

M. X… et Harpagon ne forment bien qu’une seule personne ; leur personnalité et leur écriture est identique, sinon sur un point : l’avarice. Tous les éléments graphiques de l’écriture normale se retrouvent dans l’écriture suggérée ; cette dernière ne fait qu’amplifier à la dernière puissance et jusqu’à la transformation, l’économie contenue dans la première. Si M. X… eût été foncièrement et normalement prodigue, la suggestion n’aurait peut-être pas abouti, ou elle aurait mis au jour un Harpagon expansif et généreux sous l’empire d’une fantaisie ou d’une passion ; c’est-à-dire un Harpagon monomane.

Même remarque peut s’appliquer au paysan madré. M. X… est un crédule, un naïf même. Comment s’est-il incarné dans la peau du paysan madré et retors ? Non pas en employant la finesse, l’acuité de la pénétration, mais bien par la réserve, par la dissimulation, par la diplomatie de l’avocat de village, toutes manières d’être dont on peut suivre la marche exagérée, en partant de l’écriture normale.

Même remarque encore pour le vieillard. Les années et l’expérience de la vie ont amené quelques finesses parmi les crédulités natives, ont agacé la volonté, déséquilibré le tempérament et mis en plein jour la désillusion, mais en opérant toujours sur les données primitives.

Ne serait-il pas intéressant de voir l’écriture suggérée reproduire par anticipation la forme scripturale du sujet devenu vieux ?