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Si la morale est une manière d’esthétique et la conduite humaine une œuvre d’art plus ou moins bien réussie, on comprend que le psychologue étudie les rapports étroits de l’émotion esthétique avec la décence et la pudeur. Houzeau a conclu un peu légèrement, de ce que les fonctions sexuelles ne commencent pas à la naissance, que les affections mentales se rapportant à l’instinct sexuel ne se manifestent pas non plus chez l’enfant. « Je pourrais citer, écrit à l’encontre M. Pérez, plusieurs exemples d’enfants des deux sexes, qui éprouvèrent réellement, dès l’âge de quatre ou cinq ans, des affections inconsciemment amoureuses, non seulement pour des enfants, mais pour des adultes de l’autre sexe, » p. 253. Il est vrai qu’il faut toujours s’enquérir, en de pareils cas, si l’on a affaire à des sujets dégénérés ou présentant accidentellement, temporairement, un des syndromes de la folie des dégénérés. En tout cas, l’attribution faite par l’aliéniste de toute impulsion sexuelle précoce au domaine de la pathologie n’empêcherait pas le psychologue d’interpréter les faits de cet ordre contrairement au sens de Houzeau et favorablement à celui de M. Pérez. Sujet intéressant, que j’ai dessein de reprendre en un article spécial.

Volonté. — M. Ribot a établi que la volonté est un jugement pratique accompagné de tendances à l’action, et par conséquent d’émotions excitatrices. « Il n’y a pas, conclura tout à l’heure M. Pérez, à proprement parler, une volonté, mais des tendances à vouloir dont la force varie suivant les objets, les circonstances et les différents états de l’organisme, » p. 307. Étudiant donc chez l’enfant les progrès de l’élément moteur, de l’élément intellectuel et de l’élément émotionnel de la volonté, il note d’abord comment, par le fait de l’imitation et de l’habitude, les mouvements s’abstraient des diverses fins concrètes auxquelles l’enfant les dirigeait ; comment l’imitation, malgré Romanes (souvent cité par M. Pérez), n’est pas en raison inverse de l’intelligence ; comment d’ailleurs le choix des objets d’imitation est une marque du caractère de l’enfant, bien qu’elle agisse d’ordinaire à la manière d’un réflexe ; en second lieu, comment « toute adaptation une fois faite peut laisser un germe quelconque de réminiscence, » p. 284 ; comment aussi la ténacité d’une habitude dépend de la force du sentiment qui lui est associé, et non pas de la réflexion, à laquelle Mme Guizot donnait le premier rôle. Il nous montre l’enfant se dégageant de l’impulsivité originelle, de la tyrannie des désirs, grâce à l’intervention de la conscience et de l’attention directrice ou modératrice, à mesure surtout que l’intervalle, si court soit-il, entre l’idée, le désir et l’acte laisse place au jeu des motifs et des mobiles ; la volonté s’achevant à la faveur des actes nouveaux ou peu habituels qui amènent en général une suspension toute mécanique des mouvements et préparent ainsi la délibération, et enfin devenant la bonne volonté quand, la faculté d’apprécier ses motifs (très limitée chez l’enfant même de sept ou huit ans) s’étant développée, notre morale sociale se sera surajoutée aux impulsions primitives.

Entre cinq et sept ans se manifestent plus clairement les qualités